En vos mots 896
Ça y est, l’été est officiellement arrivé! C’est ce qui m’a poussée à choisir cette scène livresque imaginée par l’artiste Senny Lim, afin que vous la racontiez en vos mots.
Aucun commentaire ne sera validé avant dimanche prochain. Vous avez donc plus que le temps de lire les textes déposés sur l’illustration de dimanche dernier et d’écrire quelques lignes. C’est avec plaisir que nous vous lirons.
D’ici là, bon dimanche et bonne semaine à tous les envostistes et à celles et ceux qui les lisent.
L’été est arrivé brutalement cette année, non préparé par un printemps même capricieux. On était passé sans transition de l’hiver au solstice de juin, et les degrés avaient soudain grimpé sans crier gare.
Aux heures les plus chaudes, Paule garde soigneusement les fenêtres fermées, et s’installe confortablement dans la seule chambre située au nord. Celle où ne tape pas le soleil. Celle où il n’entre même jamais. Mais d’où elle le voit se répandre, lumineux, sur le jardin. Et où la chaleur est amplement suffisante pour tomber la veste. Elle a même libéré agréablement ses pieds du poids des pantoufles. Le chat, étalé de tout son long, a pris sans hésiter sa pose estivale. Quand la température s’élève encore, il s’étire alors sur le carrelage pour trouver un peu de fraîcheur. Mais là, il supporte encore la douceur de la couette!
A la soirée, Paule se coiffera de son chapeau et sortira pour prendre l’air. Mais pour l’instant, la touffeur le lui déconseille. Et elle a le temps d’écrire, de lire, tout son soûl. Les fleurs qu’elle a cueillies hier soir embaument et apportent un peu de nature dans cette pièce close. Tout à l’heure elle prendra ses crayons, ou ses pastels, ou ses aquarelles, selon l’inspiration, et elle ajoutera à sa collection quelques oeuvres qui rejoindront peut-être celles qu’elle a choisi d’accrocher aux murs.
Pensive, elle regarde la cheminée, qui il y a peu encore, lui procurait un confort bienvenu en ces mois de froidure prolongée. Et elle se dit que dans deux ou trois mois, une flambée sera peut-être déjà à nouveau de mise.
Comment by anémone — 29 juin 2024 @ 16:12
Lisboa, 30 juin 2024
Ma chère B.,
Il y a tant de nuits où le sommeil tarde à venir. Pour passer le temps, je contemple les étoiles et je voyage. Je rêve.
Certaines nuits, il m’arrive de réécrire, pour la énième fois, les lignes de mon passé. Toujours les mêmes. Ici, je gomme une larme, j’échange un douloureux souvenir pour une poignée de sourires. Là où il n’y avait que des douleurs, je dépose quelques bonheurs désirés. Et les heures de mon passé deviennent nonchalantes et un peu plus lumineuses.
Après tout, ce n’est que ma vie. Je la raconte comme je le veux. S’il y a des souvenirs de douleurs qui m’empêchent de voir le bleu du ciel, j’en parle autrement. Je sais que le jour viendra où je me pardonnerai de m’avoir trop menti. Après tout, l’histoire de nos vies n’est jamais exactement comme nous l’avons vécus, mais le souvenir enjolivé ou pas de ce que nous avons vécu. Alors forcément…
Puis, il faut dire que d’histoires d’enfances malheureuses, on en trouvera des milliers aux quatres coins de nos nuits. Il y a de quoi remplir des bibliothèques. Certains n’aiment que raconter cela. Comme si on pouvait exister par la pitié des autres en leur offrant un miroir condescendant de ce que nous ronge de l’intérieur.
C’est bien connu, celui qui vit que de silences et de musique discute sans cesse avec ses pensées. Et dans un monde où les étoiles nous rendent fragiles, seuls et anonymes, où parfois un frisson de Mozart vient me caresser, je fais miens les mots de Baudelaire puisque « mon enfance n’a été qu’un ténébreux orage, traversé ça et là par des brillants soleils ».
Toutes ces pensées je les jette au silence de la nuit. Je sais que l’aube venue, le soleil en fera un feu de joie dont il ne restera que des cendres que le vent viendra dissiper.
Alors je me dis que quelque part, tu es là. Assise. Écouter les étoiles te chuchoter les heures de ta vie. Pour la énième fois. Et que dans tes mots dessinés à l’encre pourpre dans le silence d’une page blanche, tu me parles de toi. Au cas où le silence imobile de la nuit m’apporte la poussière de tes mots.
Je t’embrasse.
Armando
Comment by Armando — 29 juin 2024 @ 20:45