En vos mots 893
Choisir une image pour En vos mots me prend toujours un certain temps, car il y en a tant dans ma banque qu’il est toujours difficile de privilégier une scène livresque plutôt qu’une autre.
L’illustration signée Tom Schamp était si invitante que c’est elle qui a gagné cette semaine. À vous maintenant de nous la raconter. Comme le veut l’habitude, aucun texte ne sera validé avant dimanche prochain, ce qui vous laisse amplement le temps d’écrire quelques lignes et même de commenter les textes déposés sur l’illustration de dimanche dernier. C’est avec plaisir que nous vous lirons.
D’ici là, bon dimanche, bonne semaine et bon mois de juin à tous les envosmotistes et à celles et ceux qui les lisent.
A chaque fois c’est pareil. Elle s’installe sur le canapé après avoir choisi quelques jouets dans le grand coffre, et un ou deux livres. Et là elle essaye de fixer ses idées sur ce qu’elle lit, ou sur les poupées. Mais son anxiété est trop forte.
Parfois elle partage l’espace avec un autre enfant ayant en général l’air tout aussi anxieux qu’elle. Cette fois-ci c’est une petite fille qui fait les cents pas, puis s’arrête et l’épie en se dissimulant à demi derrière une colonne.
Marion n’est jamais parvenue à retirer le joli chat en peluche de la cage qui repose toujours sur la même étagère. Et cela la contrarie un peu. Elle n’aime pas les cages.
Parfois elle regarde par la fenêtre, observant pour s’occuper la forme des nuages. Elle aurait juré qu’un jour un garçonnet semblait y faire un voyage. Elle avait dû rêver. Ou bien la peur, la plongeant dans un état second, lui avait-elle fait voir n’importe quoi?
La gamine qui la scrute toujours derrière la colonne, avec sa cape vermeille, ressemble furieusement au petit Chaperon Rouge. Elle paraît même d’ailleurs dissimuler derrière son dos un panier contenant quelques présents semblables à ceux destinés à Mère Grand. Marion, malgré ses lunettes et les habits un peu vieillots et trop sages que lui choisit sa maman, ne ressemble tout de même pas à une grand-mère. D’où probablement l’hésitation de la fillette, ne sachant que faire de sa corbeille ni à qui la donner. Mais ciel! Le loup n’est peut-être pas loin! Marion n’a pas le temps de se remettre du frisson fulgurant qui l’a traversée. La porte grince légèrement, et dans l’entrebâillement se découpe la silhouette longiligne et dégingandée du dentiste, qui vient de laisser tomber quatre mots dans un sourire découvrant d’impeccables incisives et canines pointues:
– C’est votre tour, Mademoiselle!
Comment by anémone — 7 juin 2024 @ 12:45
Lisboa, 9 juin 2024
Ma chère B.,
Que fais-tu dans mes nuits blanches, brisant le silence de ton rire soleil, comme un enfant heureux, qui se moque de l’avenir? Si souvent tu avais les traits de Claudine, le garçon manqué d’Enid Blyton. Et je lisais tes aventures avec la gourmandise de l’enfant imaginaire et si souvent menteur que j’ai été. Parce que…
Il y a eu depuis, la période où je t’ai vue en Heidi. Curieuse, aventurière et sensible aux autres. Je leur disais, avec fierté « c’est ma sœur »… Et malgré leurs camouflets et ricanailles, je n’étais pas seul. Tu étais là. Et j’étais tellement heureux pour quelques instants.
Et puis tant d’autres. Je t’ai pleurée en Cosette, ou en Cendrillon. Je t’ai tant aimée en Alice, et en Ariel, fille de Triton, perdue dans l’océan de mes rêves.
Je te l’avoue, il est venu le temps où je t’ai quelque peu délaissée. Perdu dans le fantasme de mes mille et une nuits d’adolescent timide et curieux. Les vapeurs des premiers émois. Les premières déceptions aussi.
Puis, revenu à moi, j’ai traîné ma solitude dans les nuits de Lisbonne, assis au bord du Tage, berger d’étoiles, avant de te retrouver, dans le métro de Montréal, belle et inspiratrice Hélène.
D’ailleurs, je voulais te dire que celle qui a si bien raconté l’alerte dans le métro m’a demandé si j’étais décidé à te rencontrer. Pour de vrai. Je lui ai dit que j’avais peur d’être déçu. Qu’on ne soit pas comme dans mes rêves.
Mais il se peut aussi que ce soit encore mieux que dans tes rêves, m’a t-elle répondu.
Et elle a raison. Cela se pourrait. Comment le savoir?…
Je t’embrasse.
Armando
Comment by Armando — 8 juin 2024 @ 5:42