En vos mots 789
Alors que je viens à l’instant de valider les textes déposés sur la scène livresque de dimanche dernier, que je vous invite d’ailleurs à lire et à commenter, je vous propose cette semaine de vous installer dans le décor imaginé par l’artiste Yacek Yerka et de vous asseoir confortablement dans le fauteuil qui semble bien confortable, quand vous aurez choisi un livre parmi tous ceux qui se trouvent sur les rayons.
Vous pourrez par la suite laisser parler votre imagination et nous raconter en vos mots ce que cette scène évoque pour vous, quels souvenirs elle réveille, quel livre vous avez ouvert. Il nous fera plaisir de vous lire dans sept jours et pas avant.
D’ici là, bon dimanche et bonne semaine à celles et ceux qui visitent le pays de Lali.
Il habitait la Tour
De Babel, et libre,
Il en faisait le tour
Au travers des livres.
Sa vision était ronde,
Et jardin et tapis,
Résumant le monde,
Constituaient sa vie.
Un fauteuil bien moelleux
Et un repose-pieds,
Un confort bienheureux
Pour vivre comme il sied.
Au sommet de la tour
Coulait une eau fertile,
Comme le fleuve Amour,
Riche et volubile.
De joie il était ivre,
Dans ce décor unique.
Car autant que les livres,
Il aimait la musique.
Comment by anémone — 10 juin 2022 @ 16:57
C’est une histoire étrange.
L’histoire d’un homme qui rêvait qu’il était vivant.
Et seul.
Pas seul du fait qu’il lui manquait les gens autour de lui, mais seul à l’intérieur de lui-même. Sans rêves. Sans personne d’autre. Rien d’autre que lui.
Pour toute compagnie humaine, il n’avait que des milliers de bouquins qu’il n’avait jamais lus. Dont il avait ignoré l’âme et l’existence. Des bouquins abandonnés, comme lui, à la poussière grise du temps. Seul vestige d’une vie qui fut. Il y a longtemps. Si longtemps que le temps lui-même semblait avoir effacé la lourdeur de son passé.
Et l’homme était là. Perdu dans son apathie qui lui rappelait qu’il était toujours vivant. Sans savoir comment. Ni pourquoi. Mais, il était vivant.
Parfois, il lui semblait écouter, au loin, un faible chant des oiseaux. Ou alors ce n’était rien d’autre que le chant du vent dans les pages sèches des vieux livres. Ou le frisson des vaguelettes matinales, quand le soleil caresse le renflement de l’eau. Ou rien du tout. Juste son imagination. Une brève fuite au bruit assourdissant d’un silence qui lui semblait sans fin. Et pourtant il était vivant. Et seul. Ou presque.
Il lui arrivait d’ouvrir un livre qu’il lisait jusqu’à son terme. Sans s’arrêter. Même si ça durait des jours et des nuits. Et puis, il recommençait, avec un autre. Et ainsi de suite. Inlassablement.
C’était un étrange rêve. Solitaire. Presque immobile. Mais paisible. Si paisible.
Puis, un jour, sans explication, il s’est réveillé. Enfin, il était persuadé de s’être réveillé. Il a ouvert les yeux et il a regardé tout autour. Il a entendu, avec dégoût, le barouf du monde. L’agitation des hommes. La sapidité de l’indifférence. Et il s’est rendu compte qu’il était mort. Depuis longtemps. Si longtemps. Et il a esquissé un sourire solitaire.
Puis il a fermé les yeux. Pour retrouver ces livres. Et continuer à rêver qu’il était vivant. Seul. Mais vivant.
C’est une histoire étrange.
Comment by Armando — 11 juin 2022 @ 11:55