En vos mots 780
Alors que je viens à l’instant de valider les textes déposés sur la scène livresque de dimanche dernier, que je vous invite d’ailleurs à lire et à commenter, je vous propose pour ce nouvel En vos mots une toile de l’artiste Susan Rios.
À vous de l’animer, d’imaginer une histoire ou de puiser à même vos souvenirs. Aucun commentaire ne sera validé avant dimanche prochain. Vous avez donc plus que le temps d’examiner le tableau sous toutes les coutures avant de vous précipiter sur le clavier.
D’ici là, ne vous découvrez pas d’un fil, nous sommes en avril,
Il fallait bien qu’elle étudie.
Les compositions approchaient.
Et les livres au pied de son lit
Etaient là pour en témoigner.
Algèbre et géométrie,
Son option c’était les sciences.
Physique et biologie,
Des cours tous plus ou moins denses.
Elle aimait le mieux la chimie.
Et celle qui la reliait
A son charmant petit ami,
Etrangement la fascinait.
C’est pourquoi délaissant ses cours,
Elle soulevait le rideau
Pour voir arriver son amour,
Pour une pause dans ses travaux.
Comment by anémone — 6 avril 2022 @ 11:46
I. Il y a eu cette nuit où les sonneries du téléphone ont retenti comme des coups de fouet dans le silence.
Puis, cette voix lointaine… Bonjour Mme Julia Marques?… Je suis bien chez Julia Marques?… et le oui interloqué de Julia, suivi de Vous êtes folle?… Vous avez vu l’heure?… J’espère que vous avez une bonne raison pour me réveiller au milieu de la nuit…
Et, de l’autre côté, l’interlocutrice qui ne se démonte pas. Comme si elle n’avait rien entendu de la colère indignée de Julia. Oh Dieu merci, je vous ai trouvée… Enfin… Vous êtes bien la fille de João Marques?… Faudra que je vous parle. J’arrive. Je prends le premier avion demain matin.
Et toc. Elle raccroche. Sans rien ajouter d’autre. Julia n’a même pas eu le temps de riposter. Tout est allé si vite.
J’arrive… J’arrive… Mais qui?… Pourquoi?… Et l’océan des questions qui lui ouvre grand les bras et l’empêche de se rendormir.
II. La dame qui sonne à la porte de Julia ce matin d’avril a l’air émue. Elle porte des vêtements de luxe et parait plutôt instruite. Julia la regarde avec une perplexité courtoise, sans trop savoir quoi lui dire.
La dame balaye de son regard la pièce. Son regard se fixe sur la photo d’un jeune homme habillé en soldat, sur une commode légèrement poussiéreuse. C’est votre père?… M. João Marques?…
Julia lui fait signe que oui de la tête. Oui, c’est mon papa. Il est parti l’année dernière.
III. Anne Gagnon… Vous ne m’avez pas demandé mon nom. Je m’appelle Anne Gagnon. Et je viens pour accomplir la dernière volonté de mon père. Et Anne sort d’un vieux sac fatigué par les années où l’on peut encore lire Royal Canadien Regiment un morceau de tissu taché de sang sec, qu’elle tend à Julia : Je viens vous remettre ceci qui a fait office de garrot à la plaie de mon père et qu’il a tant rêvé de lui remettre de son vivant.
Julia sort d’une armoire une veste militaire à laquelle manquait, sur la manche gauche, un morceau de tissu. Mon papa l’a gardée en disant « qu’un jour va falloir retrouver le morceau qui manque. »
Les heures s’écoulent, silencieuses. Jamais deux inconnues n’ont été aussi proches. Aussi liés.
IV. Sur le départ, Anne murmure : Mon père s’est toujours souvenu des derniers mots qu’il a adressés au vôtre : « You saved my life. I will never forget you, my brother ». Et il a toujours été hanté par le fait qu’il n’a pas compris ceux de votre père.
Désolé l’ami, mais je ne parle pas anglais. Voilà, ce que papa lui a répondu.
Comment by Armando — 10 avril 2022 @ 4:04
Quel magnifique texte, Armando, très émouvant.
Merci!
Comment by anémone — 10 avril 2022 @ 8:21
Merci… et dire que depuis quinze ans environ que je grafouille quelques mots sans jamais avoir manqué un seul et je n’ai jamais été nommé pour le Lali d’argent… 😂😂
Comment by Armando — 10 avril 2022 @ 16:26