En vos mots 352
Vous avez toujours eu envie d’écrire quelque chose sur Fernando Pessoa ou d’inventer une histoire dont il serait le héros? L’illustration du Lisboète João Vaz de Carvalho devrait constituer le prétexte idéal pour le faire.
Et comme le veut l’habitude, vous avez une semaine devant vous avant la validation des textes.
Bonne semaine à tous et en espérant que Pessoa vous inspirera!
Mise en abyme
L’écrivain assis dans un petit café écrit qu’un écrivain assis dans un petit café écrit.
Puis regardant son reflet dans le miroir du petit café, il voit son image se multiplier à l’infini.
Un grand vertige l’envahit alors. Il se sent être un autre dans un autre dans un autre jusqu’à comprendre une parcelle de ce qu’est peut-être l’éternité…
Comment by Flairjoy — 6 janvier 2014 @ 6:45
JE N’Y SUIS POUR PERSONNE…
Pour mon œuvre oubliée des existences accidentées et perdues, cent bibliographies poétiques faussées dans la réalité des mondes…
Personne ! Nos nemo, nos omnia, tous nos « on », créent au passage nos irréels où nos vies quotidiennes déjà s’estompent à jamais autour d’autres chaises noires et vides :
« Je n’ai dit à personne d’ouvrir la malle, la malle rustique pleine de miracles. Je n’avais laissé pour vous que cette sombre mallette, vide, enferrée… Et que sont mes peines que vous allez lire ?… N’existez-vous donc pas, peuple du monde, vous qui êtes créés tout autour sous les yeux à ouvrir? Ou bien est-ce moi ? Moi, le gardeur de troupeaux ? »
Personne ! Mes cinq sens passent à la frontière du monde, emportant le bonheur tout au long de l’exactitude. Laissant là le mensonge, l’horreur dite à l’aune de l’incomplétude.
Un jour, j’ai écrit d’affilé trente poèmes sur cette petite table ronde, ou plutôt sur le plateau d’une grande commode haute et noire. Mens agitat molem. L’esprit et la matière, agités…
Toute ma vie n’est, n’a été, qu’un rêve, car il n’y a rien d’autre !
Cavalier
« Je suis un gardeur de troupeaux.
Le troupeau ce sont mes pensées
et mes pensées sont toutes des sensations.
Je pense avec les yeux et avec les oreilles
et avec les mains et avec les pieds
et avec le nez et avec la bouche.
Penser une fleur c’est la voir et la respirer
et manger un fruit c’est en savoir le sens.
C’est pourquoi lorsque par un jour de chaleur
je me sens triste d’en jouir à ce point,
et couche de tout mon long dans l’herbe,
et ferme mes yeux brûlants,
je sens tout mon corps couché dans la réalité,
je sais la vérité et je suis heureux. »
Fernando Pessoa
Comment by Cavalier — 7 janvier 2014 @ 2:22
(Come chocolates, pequena;
Come chocolates!
Olha que não há mais metafísica no mundo senão chocolates.
Olha que as religiões todas não ensinam mais que a confeitaria.
Come, pequena suja, come!
Pudesse eu comer chocolates com a mesma verdade com que comes!
Mas eu penso e, ao tirar o papel de prata, que é de folha de estanho,
Deito tudo para o chão, como tenho deitado a vida.)
Voilà les mots de « Bureau de tabac » que j’aime 🙂
Et me voilà à penser que si chaque chaise de ce tableau était faite en chocolat, que si toute chose au monde pouvait se manger, il ne resterait à la fin des temps que les mangeurs eux-mêmes qui se grugeraient par en dedans jusqu’à ce qu’ils disparaissent eux aussi…et moi je ravalerais mes mots jusqu’à n’être plus rien.
Comment by Puff — 9 janvier 2014 @ 6:15
Perdu dans la grisaille des jours qui passent, j’avais presque oublié le parfum frais des couleurs chaudes et intimes qui caressent Lisbonne dès les premières lueurs de l’aube, et le chant des tramways matinaux qui déchirent le silence, comme une plainte adressée au jour qui s’annonce.
Je ferme les yeux. Avant le voyage. L’odeur accueillante du café chaud. La gourmandise pour les boules de Berlin et l’irrésistible mille-feuilles qu’on savoure religieusement jusqu’au cœur de chaque miette. Dans la rue, livreurs de journaux, fleuristes, cireurs de chaussures et autres commerçants s’activent. C’est encore tôt pour les joueurs de musique et autres jongleurs. J’entends les bruits de pas pressés qui traversent la place du Commerce. Je crois que la dame aux seins fermes et charnus lit dans mes pensées. Elle me sourit. Malicieuse. Le Martinho da Arcada où l’écrivain venait s’attarder si souvent est encore fermé.
Je m’arrête. J’entends le murmure de l’eau. Je respire le Tage. Le ballet des mouettes. Le Christ-Roi qui m’ouvre les bras. Et la voix de Pessoa qui murmure à mon cœur : Le Tage est plus beau que la rivière qui traverse mon village.
J’y suis. Oh oui, oui, je vous assure que j’y suis. Bien sûr que j’y suis. Comme si je n’étais jamais parti.
Comment by Armando — 12 janvier 2014 @ 6:59