En vos mots 320
Les personnages créés par l’illustratrice Ana Juan vous attendent, ou plutôt ils attendent vos mots pour poursuivre leur conversation ou leur lecture à haute voix, puisque les voilà figés dans cette pose jusqu’à dimanche prochain. C’est en effet dans sept jours et pas avant que vos mots seront validés et pas avant.
Bon dimanche à vous tous et puisse l’inspiration être au rendez-vous!
Je ne sais rien de vous,
juste que vous portez ce livre avec vous,
là, tous les jours.
Je ne sais rien de vous,
juste ce regard,
lorsque vous ouvrez vos pages,
pour lire quelques histoires.
Je ne sais rien de vous,
mais, je vous donne mes mots,
ceux qui enflamment mon cœur,
et apaisent mon âme.
je ne sais rien de vous,
juste ce bonheur
de voir votre étonnement
là, sur votre visage.
Comment by haÏku — 27 mai 2013 @ 9:40
Frédéric aimait lire.
À haute voix.
Pour le goût des mots.
Qu’il savourait
Avec la parcimonie d’un moine
Lorsqu’il fait sa prière.
Anne était sourde
Mais elle aimait imaginer
La couleur de la voix de Frédéric
Et puis surtout ses lèvres
Qu’elle aimait tant embrasser
Avec la même gourmandise
Que Frédéric avait pour lire.
Comment by Armando — 28 mai 2013 @ 2:55
COITUS INTERRUPTUS
« Tandis que le grand fleuve rogne toutes ses falaises,
Moi je ronge mon frein renfrogné sur ma chaise.
Le tonnerre gronde au loin, la pluie tombe si fort,
Qu’aucun être vivant ne met le nez dehors »
Non mais…écoute Armand,
Tes poèmes sont charmants
Mais un p’tit peu vieillots.
Cette pluie qui tombe à flots,
Ce tonnerre, ces falaises…
Par contre tandis que tu as ton carnet,
Pourrais-tu y noter que nous manquons de lait?
Comment by Armèle Labelle — 29 mai 2013 @ 6:00
Elle détestait par-dessus tout ce souffleur de mauvaises nouvelles.
Il avait toujours à disposition quelque publication distillant gracieusement défaites et catastrophes.
De plus, il semblait se targuer de ce coté sombre, qu’il paraissait entretenir avec autant de persévérance qu’elle tentait de garder le coeur à la fête.
En sa présence, le monde aurait pu prendre les teintes violentes du sang ou de la révolte.
Mais autour de lui, tout se faisait plutôt languissant et terne. Un univers en noir et blanc, sans relief.
Elle avait toutes les peines à se préserver.
Un pessimisme sournois s’insinuait dans tous les replis de son esprit et de sa chair.
Elle se recroquevillait, déplorant de n’être pas assez forte.
Se sentant coupable. Investie par l’opprobre, les menaces.
Il était exactement le contraire de ces souffleurs de verre qui font naître la couleur sous l’action de leur haleine. La sienne était fétide et acre, comme tous les propos qu’il tenait.
Chaque fois, elle se promettait d’oser lui faire entendre un autre son de cloche.
De lui faire voir de quel bois elle se chauffait.
Mais chaque fois, elle se retrouvait aphone, incapable de lui parler de ses propres idées, ou du livre qu’elle tenait sous le bras.
Elle se sentait devenir blême, les idées noires, complètement absorbée par cet univers atone dans lequel elle s’engluait pas à pas.
Toutefois, elle préparait sa vengeance. Un jour elle l’arrêterait dans son discours.
Oh, il y avait peu de chances qu’il l’écoute. Que pour ce faire il interrompe son bavardage.
Il poursuivrait encore quelques minutes sa monotone emphase. Elle ne le verrait pas cesser net son discours, ni se peindre l’étonnement sur son visage. Quand il se rendrait compte qu’il parlait dans le vide, elle aurait depuis longtemps tourné les talons.
Comment by Anémone — 29 mai 2013 @ 17:24
SOUS LE PREAU
Dans la cour de l’école, nous étions deux martiens.
Dis ? Pensais-tu déjà à ta main dans ma main ?
Sous le préau pluvieux, nous restions là prostrés,
Le cœur dans les nuages, et l’esprit déserté…
Si les autres jouaient, nous ne les voyions pas.
Les mots, que sont les mots ? Je ne sais pas, tu vois.
Les mots, que sont les mots, en langage martien ?
Les mots, que disent les mots sans ta main dans ma main ?
Cent anneaux de Saturne lovés autour de nous,
Mille étoiles dans nos yeux au fond de ton sourire,
Une galaxie de rêves dans nos baisers si doux,
Ma martienne d’amour, et mes mots pour le dire…
Comment by Cavalier — 2 juin 2013 @ 4:18
Il lui disait: « Les femmes ne comprennent rien à la philosophie. »
Il lui disait: « En voulez-vous un exemple? »
Alors il lui chosissait les passages les plus abscons, comme par exemple celui-ci:
« Il avait l’esprit alcyonien et défiait les puissances chthoniennes. Malgré les rigueurs hyperboréennes et les parfums génésiques, il vivait dans une béatitude diaprée. Loin des scolies, loin des lemmes et faisant fi des monades.
Pourtant, la maïeutique gestuelle n’avait aucun secret pour lui. Il l’utilisait uniquement à des fins sotériologiques.
Qui aurait cru que ce thaumaturge psychopompe était en même temps un tel solipsiste? (1) Et que c’était par entropie et sans autre athanor qu’il vivait pleinement sa nature agonistique, en dépit de la flaccidité de son entourage?
Avouez qu’il y a là de quoi subsumer le réel! »
Mais elle, de son regard en coin, le jugeait, le jaugeait.
Sévèrement.
Comment by Adrienne — 2 juin 2013 @ 9:49