En vos mots 192
Est-il en train de rêver? A-t-il rendez-vous? Est-il dans une ville qu’il ne connaît pas? Est-ce un écrivain, un musicien, un peintre? Qu’est-il en train de fixer au loin? Libre à vous de répondre à n’importe laquelle de ces questions comme à toutes en vos mots. Par un poème ou un texte de fiction. Par une citation que vous développerez. Par un souvenir. Il n’y a aucune règle sinon celle de faire parler la toile et de déposer votre texte en commentaire au plus tard dans sept jours, juste avant 8 heures, heure de Montréal.
Comme le veut l’habitude, les commentaires reçus au fil de la semaine seront emmagasinés pour n’être validés — donc visibles — que dans une semaine.
Puisse donc le lecteur peint par l’artiste russe Kirill Datsouk, dont vous avez pu voir une autre de ses toiles ici, vous donner envie d’écrire quelques lignes!
-Ma fille m’a téléphoné il y a deux jours pour me dire qu’elle t’avait vu à la télévision!… Elle m’a demandé de te dire qu’elle a beaucoup aimé ton livre.
Il y avait comme une sorte de fierté dans la voix de Mario. Pas étonnant d’ailleurs. Faut dire qu’il me connaissait depuis ma naissance. Faut dire que sa fille et moi nous avions grandi comme deux frères et qu’on jouait dans le quartier. Nous avions fait nos études ensemble, puis j’ai choisi les lettres alors qu’elle a opté pour le droit et est devenue une avocate brillante. Un jour, elle a eu envie d’aller voir la couleur des étoiles au Danemark et y est tombée amoureuse d’un chanceux qui ne savait même pas que Lisbonne existait sur la carte du monde alors que si on regarde à la loupe la mappemonde, le Danemark n’est pas plus grand qu’un caca de mouche.
Mario avait l’habitude de parler comme s’il adressait à une assemblée. Sans micro. Pas étonnant que ses mots aient éveillé la curiosité de quelques personnes qui étaient encore dans le café à cette heure tardive de la veille de Noël, lesquelles se sont tournées vers moi et ont esquissé un sourire amical et complice. Une vieille dame habillée d’un tailleur des années 50 a même enrobé son sourire d’un clin d’œil. Charmant.
Je savourais avec un bonheur indéfinissable ces instants de tranquillité. Les dernières semaines dédiées à la promotion de mon livre avaient été épuisantes. Des interviews interminables à répondre inlassablement aux mêmes questions crétines des journalistes qui, pour la plupart, n’avaient pas lu mon livre mais qui se pavanaient comme s’ils étaient tous des critiques littéraires avec pignon sur rue. Il faut dire que les gens leur font confiance.
La presse écrite, la corvée de la télévision, le tour des librairies pour des séances de signature. Les gens qui voulaient se faire photographier en ma compagnie. Mon Dieu que c’était fatigant et si peu en accord avec ma vie réservée d’écrivain. Ma passion était celle d’écrire et de raconter d’histoires, pas de me dandiner de plateau de télévision en plateau de télévision comme un clown triste.
Le café de Mario se vidait de ses clients, comme une rivière en été. Les gens partaient en criant un joyeux Noël auquel Mario répondait avec une courtoisie et un enthousiasme qui m’émerveillaient toujours.
Pour ma part, j’avais décidé de faire quelques courses dans le quartier puis de rentrer chez moi. Écouter un peu de musique. Savourer une bouteille de vin. Un petit plateau de fromages et puis du bon pain bien cuit. Puis je prendrais le premier livre sur un coin d’une table et je m’y perdrais jusqu’à que ce foutu Père Noël termine sa ronde. Certain que je finirais bien par m’endormir avant que l’aube pointe le bout de son nez…
Je n’avais pas envie de regarder ma montre mais je me suis dit qu’il devrait être déjà tard puisqu’on pouvait marcher tranquillement sans se faire bousculer. Les gens était rentrés chez eux pour s’affairer à préparer le repas et une nuit de fête. En famille.
Seul, perdu dans mes pensées, j’entendais, au loin, les derniers vœux chaleureux de ceux qui s’en vont retrouver leur vie et rejoindre ceux qui les attendent. Moi, personne ne m’attendait. D’ailleurs personne ne m’a jamais attendu. Et c’est tant mieux ainsi.
-Dis… tu n’as pas une cigarette?…
J’ai esquissé un regard d’effroi face à ce qu’il restait de l’être humain devant moi. Une épave.
-Non, je ne fume pas, mon ami, lui ai-je répondu sans m’arrêter.
-Eh je te connais!… (Il me tenait le bras) T’es le gars qui es passé à la télé avant hier.
-Oui, c’est moi… C’était pour mon livre…
-C’est ça. Ton livre… Ça cause de quoi ton livre?…
Je me suis arrêté et je l’ai regardé une fois encore. Sans un mot, j’ai sorti de la poche de mon veston l’exemplaire qu’il me restait et je le lui ai tendu.
– Voilà. Je vous l’offre!… Joyeux Noël!…
De nouveau il me tenait le bras.
-C’est cool, mais je ne sais pas lire… Alors ne gaspille pas ton bouquin. Donne-le à quelqu’un d’autre.
Ces mots m’ont glacé le sang. Comment peut-on ne pas savoir lire de nos jours?… Je ne m’étais pas encore fait à cette idée que déjà sa voix venait s’inviter dans mes pensées.
-Tu ne veux pas me dire de quoi cause ton bouquin?…
Je l’ai dévisagé. Un sourire illuminait un visage qui n’avait pas connu d’eau depuis quelques jours. Sa barbe était aussi répugnante que ses vêtements empestaient la misère profonde. Et pourtant il y avait quelque chose de plus profondément humain chez lui que chez la plupart des gens que j’avais l’habitude de croiser. Du coup je me senti gêné de l’avoir défini comme épave… Il aurait pu être mon frère.
-Vous avez faim?… Je me suis acheté quelque chose. Est-ce que ça vous dit?…
Je crois que je n’avais pas terminé ma phrase qu’il m’indiquait un lieu à l’abri. Peu éclairé. Mais sûr où on pouvait être tranquilles, comme il disait. J’ai dû insister pour qu’il n’enlève pas sa veste pour que je m’assoie dessus.
-Ici, tu vois on se protège du froid qui vient de là et s’il pleut aussi on n’aura rien à craindre. Puis, on peut voir qui vient avant qu’on nous voie… C’est un bon coin. On sera tranquilles.
Puis il m’a raconté son exode dans les rues muettes de la ville. Sa descente aux enfers. Les jours de grande détresse. La maladie. Les larmes. Les bagarres pour survivre. La vie d’avant. Les préjugés des gens qui passent sans un regard. Et nous avons aussi beaucoup ri. Comme deux amis qui veillent Noël.
-Vous vous appelez comment?… lui ai-je demandé.
-Tu peux me tutoyer, tu sais… Nous avons passé quelques heures de nos existences ensemble. On se connait maintenant. Je ne suis plus personne pour toi.
-Oui, c’est vrai. Tu as raison… Tu n’es plus personne… Bien au contraire…
-Dis, ça parle de quoi ton livre?… Tu ne veux vraiment pas me le lire?…
– Bien sûr… Nous avons le temps…
-Il était une fois un enfant né un jour où le ciel n’avait pas d’étoiles…
Je lisais depuis une demi-heure à peine quand je me suis aperçu que mon compagnon d’un soir s’était endormi. Paisiblement. Je l’ai observé longuement. Son visage était si beau et si lumineux, comme celui d’un homme heureux…
Et j’ai veillé sur son sommeil.
Comment by Armando — 17 décembre 2010 @ 11:52
Qu’attendait-il ainsi à rêver sa vie
à rêver toujours d’Elle
Il lui fallait l’oublier
même dans ses silences
Sous les cendres des souvenirs
un feu couve toujours
une ultime et vaine espérance
Il l’attendra un jour
sur l’autre rive …
Sur la carte du tendre
l’Amour ici-bas
éphémère
Dans l’au-delà
des promesses d’éternité
Comment by Chantal — 17 décembre 2010 @ 14:55
Ce soir, Graig se sent fatigué. Non, pas de son métier qu’il aime par dessus tout mais il est las d’aller de ville en ville dans le monde entier. Pour la première fois de sa vie, il ressent le besoin de s’installer, de poser ses valises une fois pour toute, de fonder une famille et de cesser de prendre l’avion, de subir les décalages horaires. Mais voilà, lorsque l’on est un pianiste de renommée internationale, on est très sollicité.
Ce soir, Graig se trouve à l’Espace Georges Bernanos, à Paris où il va jouer « Rêverie » de Claude Debussy entre autre pour le final. La salle est comble.
Ses belles mains, ses longs doigts effleuraient les touches, les notes étaient douces et chaque spectateur appréciaient ce dernier morceau « Rêverie ».
Graig se leva lentement de son siège, se tourna vers la salle et salua la salle sous de forts applaudissements. En relevant la tête, il croise le regard d’une belle et jeune femme. Comme il aimerait la rencontrer, lui parler mais en vain.
Après ses concerts, Graig a pour habitude d’aller dans un bar boire un café et ce soir c’est ce qu’il fait.
Il pense à sa vie affectueuse, amoureuse, vide, il pense à la jeune femme, au moment où leurs regards se sont croisés. Il souhaiterait tant la revoir mais comment? Demain, il part pour une autre destination.
Ce soir Graig est un brin nostalgique, ses pensées vagabondent. Il se dit qu’il est grand temps pour lui de mettre un terme à ses tournées.
Il se souvient de ces extraits des belles paroles chantées par Mort Shuman:
Il ne reste que la pluie
A l’horizon de ma vie
Et je pense à tous ces chemins que j’ai pris
Mes bons mes mauvais moments
Mes déprimes et mes serments
J’ai fait de mon mieux pour perdre tout ce temps
Quelque part je sais qu’il y a quelqu’un qui m’aime
Une fille que je ne connais pas encore
Au bout de ma nuit
Et au coeur de ma vie
Oui quelqu’un m’aime quelque part
…
Comment by Denise — 17 décembre 2010 @ 15:35
Comme chaque Dimanche, Jean met sa belle chemise blanche et sa veste grise en velours froissé. Le pantalon est en lin coquille d’oeuf. Et surtout, surtout il n’oublie jamais son noeud papillon. Le dimanche il choisit celui qui est en soie rouge.
Comme chaque Dimanche, d’un pas joyeux, Jean débouche des allées Jean-Jaurès, et se dirige vers le square Wilson. A sa gauche il retrouve le carrousel puis contourne la fontaine Goudouli et ses jets d’eau.
Comme chaque Dimanche, depuis un an, Jean s’asseoit à la terrasse du Cardinal, Place Wilson.
Comme chaque Dimanche, Jean commande un café.
Comme chaque Dimanche, Jean prends enfin le temps de lire son journal et de regarder les jolies Toulousaines.
Mais Jean ignore, que depuis un an, je l’observe, comme chaque Dimanche….
Comment by LOU — 18 décembre 2010 @ 15:01
A l’inconnu au noeud papillon rouge
Je vous attendais
Et dans la ruelle sombre
de mes pensées du soir
ne glissaient que des ombres
aux lourds colliers noirs
Je vous attendais
et pour remplir mes heures
brodais en fils d’argent
les émotions qui affleurent
de tous mes rires absents
Je vous attendais
avec au coeur sourires et rêves
et des douceurs et des tendresses
les délices d’un jour qui se lève
soleil naissant plein de promesses
Je vous attendais
mais ce soir, vous êtes assis là
tout près
et je vous espère …
Comment by Chris — 18 décembre 2010 @ 18:45
thank you
Kirill
Comment by Kirill Datsouk — 10 avril 2013 @ 10:38