Dans trente ou quarante ans…
Et dans trente ans, serai-je cette femme qui relit les lettres d’autrefois? Et dans quarante ans, aurai-je conservé, comme l’a peut-être fait la lectrice de Samuel S. Carr, les lettres qui jour après jour me nourrissent et me donnent à rêver aujourd’hui? Et si oui, aurai-je le cœur de les relire et de me rappeler celle que je suis maintenant?
J’ai dans le garde-robe de la chambre d’amis que je compte transformer en salle de lecture pouvant servir à qui restera dormir des boîtes remplies de lettres. Rarement ai-je la curiosité d’y jeter un œil. Et pourtant, je ne les détruis pas. Comme si le faire allait effacer le fait qu’elles aient, dans la plupart des cas, traversé l’océan pendant près de vingt ans. Et pourtant ce ne sont pas tant les objets, lettres, bijoux, bibelots, qui constituent le souvenir mais bien le fait qu’ils aient existé, qu’ils soient passé dans nos mains pour une période plus ou moins longue.
Un jour, peut-être, ferai-je le tri dans toutes ces lettres pour n’en retenir que quelques-unes que je rangerai dans une seule et unique boîte. Un jour, peut-être, relirai-je ces lettres qui chaque jour arrivent et que je range comme des biens précieux.