Lali

24 décembre 2011

Les vers de Cécile 1

Filed under: À livres ouverts,Couleurs et textures — Lali @ 23:59

La lectrice peinte par Cornelis Ruhtenberg avait vu ce nom déjà, elle en était certaine. Puis au hasard des pages des Œuvres complètes de Cécile Sauvage, ça lui est revenu. C’était la mère du compositeur Olivier Messiaen qu’il m’a été donné d’entendre en conférence il y a un peu plus de trente ans. Moins connue que son fils, elle eut tout de même son heure de gloire et fut considérée comme « la poétesse de la maternité », bien qu’elle explora d’autres thèmes comme le prouve ce poème choisi par la lectrice de ce soir :

Le cœur tremblant, la joue en feu,
J’emporte dans mes cheveux
Tes lèvres encore tièdes.
Tes baisers restent suspendus
Sur mon front et mes bras nus
Comme des papillons humides.
Je garde aussi ton bras d’amant,
Autoritaire enlacement,
Comme une ceinture à ma taille.

23 décembre 2011

Quelques poèmes de Rodenbach 7

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Les chambres, dans le soir, meurent réellement :
Les persiennes sont des paupières se fermant
Sur les yeux des carreaux pâles où tout se brouille;
Chaque fauteuil est un prêtre qui s’agenouille

Pour l’entrée en surplis d’une extrême-onction;
La pendule dévide avec monotonie
Les instants brefs de son rosaire d’agonie;
Et la glace encore claire offre une assomption

Où l’on devine, au fond de l’ombre, un envol d’âme
Quotidienne détresse ! âme blanche du jour
Qui nous quitte et nous laisse orphelins de sa flamme!
Car chaque soir cette douleur est de retour

De la mort du soleil en adieu sur nos tempes
Et de l’obscurité de crêpe sur nos mains.
Ô chambres en grand deuil où jusqu’aux lendemains
Nous consolons nos yeux avec du clair de lampes!

Georges Rodenbach, Le règne du silence

*choix de la lectrice de Leslie Redhead

Ce que mots vous inspirent 564

Filed under: Ce que mots vous inspirent,Couleurs et textures — Lali @ 8:00

Quand on ne peut pas changer le monde, il faut changer le décor. (Daniel Pennac)

*toile d’Antonio Zoppi

22 décembre 2011

Quelques poèmes de Rodenbach 6

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Songeur, dans de beaux rêves t’absorbant,
La pendule, à l’heure où seul tu médites,
T’afflige avec ses bruits froids, stalactites
Du temps qui s’égoutte et pleure en tombant.

C’est une eau qui filtre en petites chutes
Et soudain se glace aux parois du cœur;
Et cela produit toute une langueur
L’émiettement de l’heure en minutes.

Collier monotone et désenfilé
De qui chaque perle est pareille et noire,
Roulant parmi la chambre sans mémoire;
Piqûres du temps; tic-tac faufilé.

Ah ! Qu’elle s’arrête un peu, la pendule!
Toujours l’araignée invisible court
Dans le grand silence, avec un bruit sourd…
Et ce qu’elle mord, et nous inocule!

La peur que demain soit comme aujourd’hui,
Que l’heure jamais ne sonne autre chose;
Un destin réglé dans la chambre close;
Un peu plus de sable au désert d’ennui.

Georges Rodenbach, Le règne du silence

*choix de la lectrice de George Agnew Reid

Ce que mots vous inspirent 563

Filed under: Ce que mots vous inspirent,Couleurs et textures — Lali @ 8:00

C’est chose rare qu’un auteur cherche à se faire plus petit que son œuvre. (Antoine Blondin)

*toile de Bruno Fargueta

21 décembre 2011

Quelques poèmes de Rodenbach 5

Filed under: À livres ouverts,Couleurs et textures — Lali @ 23:59

Si tristes les vieux quais bordés d’acacias!
Pourtant, toi qui passais, tu les apprécias
Ces vieux quais où tel beau cygne de l’eau changeante
Entre parfois dans une âme qui s’en argente.
Si tristes les vieux quais, les eaux pleines d’adieux,
Inertes comme les bandeaux silencieux
D’une morte! les eaux sur qui pleure une cloche,
Les immobiles eaux sur qui le carillon
Égoutte ses sons froids comme d’un goupillon.
Et plus tristes les quais lorsque l’hiver approche!
En mai, quand le ciel rit, on s’était essayé
À mettre de la joie aux vitres des demeures,
– Tendant de rideaux blancs le passage des heures –
Et des roses afin que l’air fût égayé,
Petit luxe, au-dehors, de l’aisance des chambres…

Mais quand l’hiver revient, quand cinglent les décembres,
Les acacias nus, filigranés en noir,
Portent le deuil de la saison; le vent disperse
Leurs feuilles comme des oiseaux parmi l’averse;
L’eau du canal se gerce et se gèle – miroir
Las de mirer toujours d’identiques façades!
Maintenant les vieux quais sont déserts et maussades;
Et, dans les logis clos, les rideaux s’échancrant
Laissent voir, en la chambre et derrière l’écran,
Quelques vieillards sans joie autour d’une lumière
Qui végète sur le réchaud de la théière…
Lumière survivante en ces hivers du nord;
Faible lueur, clarté triste qui les ressemble;
On dirait un chétif feu de cierge qui tremble,
Et qu’en chaque maison muette, on veille un mort!

Georges Rodenbach, Le règne du silence

*choix de la lectrice du peintre Kirk Richards

Les personnages de Valentin

Filed under: Couleurs et textures,Les trouvailles de Lali — Lali @ 10:18

Un univers plein d’imagination et de poésie que celui de Valentin Rekunenko dont voici quelques scènes livresques. La suite vous attend ici.

Ce que mots vous inspirent 562

Filed under: Ce que mots vous inspirent,Couleurs et textures — Lali @ 8:00

La passion amoureuse ou un haut degré d’ambition ont, de tout temps, changé des gens raisonnables en fous qui déraisonnent. (Emmanuel Kant)

*toile de l’artiste danois HushMitNavn

20 décembre 2011

Quelques poèmes de Rodenbach 4

Filed under: À livres ouverts,Couleurs et textures — Lali @ 23:59

Tel soir fané, telle heure éphémère suscite
Aux miroirs de mon âme un souvenir de site;
Sites recomposés, qu’on eût dit oubliés :
D’un canal mort avec deux rangs de peupliers

Dont les feuilles vont se cherchant comme des lèvres;
Et d’une âpre colline où de bêlantes chèvres,
Dont le cri se déchire aux épines aussi,
S’appellent l’une l’autre, et d’un air si transi!

Décor surtout des quais dormants en enfilade,
Pignons, rampes de bois par-dessus l’eau malade
Où chaque feu miré se délaye en halo,
Fragile et fugitif maquillage de l’eau

Qui, sous un heurt de vent, tout à coup s’évapore
Et fait que l’eau se mue en sommeil incolore!
Sites instantanés, comme à peine rêvés,
En contours immortels je les ai conservés

Et je les porte en moi, depuis combien d’années!
Seul un ciel identique, aux pâleurs surannées,
Triste comme celui qui me les faisait voir,
Les a ressuscités de moi-même ce soir;

Et c’est ainsi toujours qu’au hasard des nuages
Revivent dans mon cœur de souffrants paysages!

Georges Rodenbach, Le règne du silence

*choix de la lectrice signée Henry Meynell Rheam

En mémoire de Vaclav Havel

Filed under: États d'âme,Couleurs et textures — Lali @ 10:39

C’est quand les écrivains nous quittent qu’on se dit qu’on s’était promis de les lire. Un jour. C’est quand ils ne sont plus là qu’on retrouve dans un cahier des mots qu’on avait notés un jour. Pour ne pas les oublier. Puisse-t-on ne jamais oublier celui qui a écrit ces mots :

« La sauvegarde de notre monde humain n’est nulle part ailleurs que dans le cœur humain, la pensée humaine, la responsabilité humaine. » (Vaclav Havel)

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