Lali

22 février 2014

Pour amateurs de superhéros

Filed under: À livres ouverts,Pour petites mains — Lali @ 19:30

jules

En général, les jeunes lecteurs lisent un produit fini. Ils ne savent donc pas comment il est né, quel travail a été fait par l’auteur, à quel moment les illustrations ont été ajoutées, ou même si celles-ci ont précédé le texte.

Pour son premier album, Paul Martin a choisi de mettre l’imagination à l’honneur et de donner toute la place à Jules, un jeune garçon qui passe ses journées à dessiner, ou plutôt qui « passait ». En effet, Jules est à court d’inspiration. Mais heureusement, Bob Batry est là!

Bob Batry est un des personnages inventés de toutes pièces par Jules et il a besoin de son créateur pour sauver la Terre, ce qui va donner lieu à une mise en abyme, procédé courant dans la littérature pour adultes, beaucoup plus rarement utilisé dans les livres qui s’adressent aux jeunes, tout particulièrement aux premiers lecteurs.

Ce que vont vivre de pair Jules et Bob Batry, aux prises avec le méchant Zack, ne pourra trouver son dénouement que si le garçon dessine l’histoire au fur et à mesure de son déroulement dans le cahier rouge que lui a offert Bob. L’un et l’autre deviennent donc, le temps de cet album, des superhéros à l’image des Superman de tout acabit.

L’album ne constitue pas un apport remarquable à la littérature jeunesse, laquelle fourmille de très beaux et très bons albums, même s’il a quelque chose de sympathique dans sa démarche et dans sa forme. Fallait-il vraiment, pour nous montrer le pouvoir de l’imagination, faire appel aux superhéros? L’album de Paul Martin ne m’en a pas convaincue.

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21 février 2014

Les vers de Letitia 4

Filed under: À livres ouverts,Couleurs et textures — Lali @ 23:59

DIDIERLAURENT (Véronique) - 16

j’écris dans une nouvelle langue

une langue qui n’est pas la mienne
une langue que j’aime comme tout ce qui ne m’appartient pas
j’en prononce les paroles à haute voix
je m’en grise je renonce je persévère
ma joie mon amour ma souffrance sont-ils autres?
le poème est-il un enfant adopté?

j’écris dans une nouvelle langue
je la murmure je la caresse comme un petit chien
lentement elle vient m’habiter
elle se glisse dans mon esprit
elle commence à y bâtir des forteresses
à mon insu
ma joie mon amour ma souffrance
y sont mes enfants sans nom

Letitia Ilea, Apprivoiser le silence

*choix de la lectrice de Véronique Didierlaurent

20 février 2014

Les vers de Letitia 3

Filed under: À livres ouverts,Couleurs et textures — Lali @ 23:59

CASSIDY (Arlene) - 1

je t’entends

tu prépares tes pièges
mi-phrases regards prolongés
un peu d’indifférence
je le sais et pourtant je fais encore un pas
dans la matinée de millepertuis
je reviens toujours chez toi
avec mon amour grinçant
chez toi
bruit doux de solitude

Letitia Ilea, Apprivoiser le silence

*choix de la lectrice d’Arlene Cassidy

19 février 2014

Les vers de Letitia 2

Filed under: À livres ouverts,Couleurs et textures — Lali @ 23:59

CORDOBA (Cristobal)

mon livre est tombé amoureux de ton livre

ton livre accorde une certaine attention à mon livre
ils s’embrassent dans le rayon se récitent des vers
ils échangent des poèmes entre eux comme ça
pour donner du fil à retordre au lecteur

parfois ton livre regarde les livres du rayon voisin
étincelants violets minces
alors mon livre perd ses feuilles une à une
il se transforme en jouet en papier plié
la couverture devient de plus en plus pâle
mon livre rêve d’être Larousse dictionnaire explicatif
annuaire du téléphone horaire des chemins de fer
pour que tu le feuillettes chaque jour

Letitia Ilea, Apprivoiser le silence

*choix de la lectrice de Cristobal Cordoba

18 février 2014

Les vers de Letitia 1

Filed under: À livres ouverts,Couleurs et textures — Lali @ 23:59

GELHAY (Édouard) - 4

depuis longtemps

j’ai oublié ton visage ton nom
l’effleurement de ta main

— comment écrire une ligne pour toi
qui as semé des croix en nous
en souvenir aussi —

ton visage ton nom l’effleurement de ta main

ils reviennent parfois comme si je sentais
une brise froide en plein été
le goût de cannelle
du gâteau de l’enfance
de la même façon que je sens
sans regarder une présence dans la pièce

je sais alors
qu’il n’y en a plus pour longtemps

Letitia Ilea, Apprivoiser le silence

*toile d’Édouard Gelhay

17 février 2014

L’amande 4

Filed under: À livres ouverts,Couleurs et textures — Lali @ 23:59

GRUBB (Joyce) - 2

poésie, ce qu’elle me requiert
l’illusion peut-être de me tenir aux mots
l’écoute en moi d’une voix
la mienne et autre
tissée de mémoire et filant l’avenir

dans l’espace où se tient le poème
tel qu’il n’est pas encore écrit
j’attends qu’une parole survienne
et je suis à peine l’ombre de mon ombre

et si j’arrive à n’être plus que cette absence
peut-être serai-je l’espace
où parfois nous est donnée la légèreté
de quelques plumes prises à l’oiseau
qui nous observe

oui, cela sur la langue
quelque chose qui parle un peu

Gilles Plazy, L’amande intérieure

*choix de la lectrice de Joyce Grubb

Suivez les traces, le tueur n’est pas loin

Filed under: À livres ouverts — Lali @ 19:27

traces

Il faudra désormais compter avec Anna Raymonde Gazaille quand on parlera de romans policiers québécois. Celle qui signe Traces n’est pourtant pas une amatrice du genre, malgré l’entrée réussie qu’elle fait sur la scène du crime montréalais.

Minutieuse, à l’affût du moindre détail, avec un sens aigu de l’observation et un talent sûr pour dresser des portraits, Anna Raymonde Gazaille nous présente petit à petit tous les protagonistes sans qu’on ne devine comment et quand leurs différents parcours s’entremêleront afin d’élucider le crime de départ, soit celui de Cécile Fournier, quinquagénaire à l’aise fréquentant les sites de rencontres, trouvée morte dans son appartement où toute trace de l’assassin semble avoir été effacée.

Mais il y a encore des traces des nombreuses rencontres de Cécile dans son ordinateur et dans son téléphone cellulaire, ce qui va donner passablement de travail à la jeune équipe du SPVM chargé de mener l’enquête et d’épingler le meurtrier.

Roman de mœurs autant que polar, Traces porte bien son titre. En effet, nous suivons pas à pas les traces laissées par Cécile sans savoir si elles mèneront quelque part, sans même avoir une idée si elles sont importantes ou s’il faut d’emblée en écarter certaines, et jusqu’où il faudra fouiller pour trouver la clé de l’énigme.

Et c’est là une des forces de ce roman : cette espèce d’éparpillement, d’accumulation de preuves, cette addition de personnages à certains égards bien ordinaires ou qui portent en eux quelque chose de louche si on s’attarde un peu à examiner certains détails pas toujours nets.

C’est donc avec un réel plaisir que la lectrice de romans policiers que j’ai été a dévoré le premier roman d’Anna Raymonde Gazaille. À tel point que j’ai envie de le recommander à nombre de lecteurs qui ont envie de lire un roman dont l’action se déroule à Montréal. La métropole culturelle y est bien dépeinte avec tout ce qu’elle recèle de beauté ou de laideur.

Texte publié dans

16 février 2014

L’amande 3

Filed under: À livres ouverts,Couleurs et textures — Lali @ 23:59

BLOEDE (Dana Marie)

un visage, des yeux
en lesquels se prolonge notre regard
et se dissipe le brouillard
et pèse moins le silence
en lequel, dans notre solitude
tout sens est submersible

un autre, là, nous faisant signe
ravive le cœur qui chancelle
et deux qui se joignent
c’est pureté sur la poussière des tombes
et tout discours, moins que l’affermir
en dissout la juste démesure

et cela, sur le fil de toute inquiétude
est couronnement de notre fragilité

Gilles Plazy, L’amande intérieure

*choix de la lectrice de Dana Marie Bloede

15 février 2014

L’amande 2

Filed under: À livres ouverts,Couleurs et textures — Lali @ 23:59

BOROVIK (Silvia)

le jour et la nuit
sont des amants tranquilles
les braises qui furent allumées
au feu du désir
tiennent leurs promesses

Gilles Plazy, L’amande intérieure

*choix de la lectrice de Silvia Borovik

Un sujet rarement abordé

Filed under: À livres ouverts,Pour petites mains — Lali @ 19:21

jl

C’est plus le sujet de La mission secrète de Julia Léveillée que l’écriture qui retiendra l’attention des enseignants, des parents et des jeunes. Avec raison. La schizophrénie est un sujet rarement abordée quand il est question de fiction et je ne crois pas qu’elle ait été traitée dans la littérature jeunesse au Québec.

Or, elle existe. Des jeunes y sont confrontés. C’est parfois un parent qui est atteint, ou un frère, une sœur, ou encore un membre de leur famille plus éloigné. Dans le premier roman de Julie Vincelette, c’est une voisine, mère d’une des filles de sa classe avec qui elle n’est pas vraiment liée. Une femme qui se berce toute la journée en fumant et en poussant des cris, ce qui fait dire aux uns et aux autres qu’elle est une sorcière ou tout simplement une folle qu’il faut éviter d’approcher. Mais Julia veut comprendre.

L’occasion lui est donnée grâce aux pouvoirs que lui a légués sa grand-mère, lesquels lui permettent de communiquer avec un écureuil qui lui expliquera en quoi consiste la maladie de sa voisine et les conséquences de celle-ci sur sa famille. Cela vous semble compliqué? Vous êtes loin de la vérité. J’ai eu du mal avec tous ces moyens détournés pour parler de maladie mentale empruntés par l’auteure qui, j’en suis certaine, voulait bien faire en apportant un peu de magie dans tout cela.

Malgré tous ces détours pour arriver à ses fins et les éléments de fantastique intervenus pour faire progresser l’histoire, avec lesquels certains pourraient avoir du mal, Julie Vincelette s’en tire assez bien et nous raconte une histoire qui tient la route, attendrissante et éducative, qu’on ne peut abandonner tant qu’on n’en connait pas l’issue.

De plus, même si la maladie mentale est au cœur de La mission secrète de Julia Léveillée, d’autres sujets sont finement abordés, comme l’éducation, la famille, l’amitié, le sens du devoir et des responsabilités, la méchanceté des enfants, la différence et la peur du jugement d’autrui. Ce qui ajoute au sujet de départ et fait de ce roman quelque chose d’étoffé qui pourra aider nombre de jeunes dans la même situation.

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