La Haye pour Mondrian
Petra et Paul avaient décidé de réunir quelques amis autour d’un souper, pendant mon séjour à Haarlem. Je ne les connaissais pas, mais Annemarieke avait si bien parlé de moi que je me suis sentie tout de suite à l’aise. Une de ces soirées magiques où le français, l’anglais et le néerlandais se mélangeaient, les deux premières langues pour que je puisse participer à la conversation, la troisième quand ensemble mes hôtes tentaient de trouver comment traduire pour moi une expression sans la galvauder.
Mais de cette soirée, ce que je retiens, c’est la passion de Paul pour Mondrian.
Il n’était pas historien d’art, ni peintre, ni critique. Mondrian, il l’avait découvert dans une des visites scolaires au musée, encore gamin. Le reste, il l’avait appris seul. En lisant, en faisant le tour des expos de l’artiste. Mondrian, pour tout vous dire, c’était le dada de Paul. D’ailleurs, je me souviens des sourires des autres quand Paul a décidé de me donner un cours. Enfin, Paul allait pouvoir s’éclater! À lui seul, il m’a appris plus sur Piet Mondrian que bien des articles que j’ai lus depuis.
Et surtout, parce qu’il m’a parlé du triptyque intitulé Evolution, j’ai pris le train pour La Haye, ville de fonctionnaires et sans intérêt que je ne pensais pas voir. Et il pleuvait tant ce jour-là que quand je suis arrivée au Gemeentemuseum, j’étais trempée. J’ai même laissé une mare derrière moi devant le guichet, même si mon attente n’a pas été longue, car le musée était tout simplement désert.
Et je n’ai rien vu du musée, je n’en ai pas fait le tour. Je n’ai vu que les Mondriaan. Ses célèbres carrés de couleur, bien entendu. Mais surtout le triptyque pour lequel je m’étais déplacée, et qui occupe à lui seul une salle. Peint en 1911, il s’inscrit dans la lignée de ses lectures de Rudolf Steiner et du fait qu’il ait joint la société de Théosophie. Mais ce n’était pas cela qui m’intéressait, et ce n’est toujours pas le contexte que je vois et qui m’attire. Mais bien ces bleus, le côté géométrique et le regard intense.
Peut-être que beaucoup ne verront rien dans ces toiles.
Plus de vingt ans ont passé depuis ce jour de mars et je conserve encore cet émerveillement. Un jour, il me faudra retourner à La Haye. Pour Mondrian.