Portrait d’un rebelle
Pour celle qui a lu et aimé les poèmes de Maïakovski, les lettres qu’il a envoyées à sa maîtresse Lili Brik et ce que cette dernière a écrit à propos de leur liaison, Le testament de Maïakovski constituait une invitation irrésistible par son titre.
Or, si le grand poète russe est une inspiration marquante pour le héros du premier roman de Pierre-Louis Gagnon, c’est davantage le révolutionnaire que le poète qui sert de figure de proue à Serge Régnier. Celui-ci, jeune homme de bonne famille, issu de la bourgeoisie de Québec, est fasciné par la révolution bolchévique. À un point tel qu’il se retrouvera à Moscou, envoyé par le Parti communiste du Québec où il rencontrera Louis Aragon et Elsa Triolet, la sœur de Lili Brik, avec qui Vladimir Maïakovski fut très lié avant sa rencontre avec cette dernière.
Ce ne sont d’ailleurs pas les seules figures historiques présentes dans ce roman fort bien documenté et habilement construit, puisque Régnier rencontre Gorki lors de son séjour en Russie alors qu’il travaille pour le journal Les Nouvelles de Moscou, puis Norman Bethune, alors qu’il combat à ses côtés lors de la guerre d’Espagne en 1936-1937.
L’auteur, qui signe un premier roman à plus de 60 ans après une carrière dans l’administration publique québécoise, a pris soin de chacun des détails : contexte historique, lieux décrits, volet sociopolitique et aventures sentimentales du jeune héros.
Autrement dit, c’est un roman qui tient la route tout en dépeignant une partie de notre propre histoire et de celle d’ailleurs que nous pensons connaître, mais qui demeure tout de même méconnue ou à tout le moins trop peu connue. Le testament de Maïakovski agit donc comme révélateur et catalyseur, et nous pousse à aller au-delà de ce qui nous est relaté afin de poser les jalons manquants. Or, comme j’apprécie les livres qui entrebâillent des portes en nous laissant le choix de les ouvrir ou pas, j’ai aimé que l’auteur ait choisi la concision afin de nous laisser faire le reste.
J’ai eu un peu plus de mal avec le personnage de Serge Régnier qui m’a semblé légèrement flou au départ. En effet, les raisons qui le poussent à s’engager et à militer manquent, à mon avis, de la ferveur que j’attribue habituellement à ceux qui se dévouent pour une cause, qu’elle soit sociale ou politique. Mais ceci n’oblitère en rien la trame forte de ce roman qui nous tient du début à la fin.
Qu’a laissé Maïakovski? Des vers autant personnels que destinés à servir le parti, lesquels semblent avoir été l’élément déclencheur pour Régnier. Mais dans le roman, nulle trace de ceux-ci. Pourtant, ils auraient sûrement permis aidé à nous faire comprendre la motivation du jeune héros. Or, c’est plutôt le secret entourant sa mort qui semble intéresser le jeune communiste. S’est-il vraiment suicidé à la suite d’une déception sentimentale ou a-t-il été éliminé par ses pairs parce qu’il s’éloignait du parti? Cette question le poursuit. L’histoire affirmera qu’il s’agissait bien de suicide, Maïakovski ayant joué sa vie à la roulette russe.
Que nous laisse Le testament de Maïakovski? Le souvenir du désenchantement d’un jeune homme quand il comprend que ce pays dont il rêvait, épris de liberté et ayant tout fait pour accéder à celle-ci, est dirigé par un tyran. Le portrait d’un rebelle qui finira par s’assagir pour demeurer en vie.
Le nombre de places pour les héros est compté.
Titre pour le Défi Premier Roman
Tiens, tiens, je croyais que c’était « Mon vieux et moi » le premier de cet auteur, mais c’était le premier publié en Europe.
Comment by Anne — 23 novembre 2012 @ 7:11
Anne,
Pierre-Louis Gagnon et Pierre Gagnon sont deux deux personnes différentes.
Pour l’anecdote, Gagnon est un des cinq patronymes les plus courants chez nous…
Comment by Lali — 23 novembre 2012 @ 8:42
Bonjour Mademoiselle Lali
Une rebelle, c’est une belle qui s’est fait faire un lifting à 5O ans?…
Merci
Comment by Pépé de Séville — 24 novembre 2012 @ 9:16