Mais ce soir…
Souvent, c’est elle qui lit, allongée à plat ventre tandis qu’il lui caresse les cheveux, la nuque, le dos et les fesses. Il adore ces moments où il tente de la déconcentrer même s’il ne se lasse pas de la regarder lire.
Mais ce soir, le lecteur de Wouter Verrips a décidé d’intervertir les rôles et d’être celui qui lit pour se prêter au jeu des caresses. Il sait que même si pour le moment elle se laisse bercer par sa voix et quelques rimes trouvées dans un recueil qui traînait, elle sortira de sa pose pour tendre le bras. Il sait. Et elle sait qu’il sait. C’est pourquoi elle a choisi de prendre son temps et de le faire un peu languir, bien qu’elle aime entendre sa respiration changer tandis qu’elle va de la tête jusqu’aux fesses, bien qu’il se torde de bonheur, lui qui n’avait jamais connu pareille douceur. Lui qui n’avait jamais eu envie de pareille douceur avant elle.
Et il est fort possible que le livre tombe au sol et qu’ils s’abandonnent aux jeux de l’amour. Bach sera-t-il au rendez-vous pour ce qu’on pourrait appeler Amours, délices et orgues?
Abat-jour
Tu demandes pourquoi je reste sans rien dire ?
C’est que voici le grand moment,
l’heure des yeux et du sourire,
le soir, et que ce soir je t’aime infiniment !
Serre-moi contre toi. J’ai besoin de caresses.
Si tu savais tout ce qui monte en moi, ce soir,
d’ambition, d’orgueil, de désir, de tendresse, et de bonté !…
Mais non, tu ne peux pas savoir !…
Baisse un peu l’abat-jour, veux-tu ? Nous serons mieux.
C’est dans l’ombre que les coeurs causent,
et l’on voit beaucoup mieux les yeux
quand on voit un peu moins les choses.
Ce soir je t’aime trop pour te parler d’amour.
Serre-moi contre ta poitrine!
Je voudrais que ce soit mon tour d’être celui que l’on câline…
Baisse encore un peu l’abat-jour.
Là. Ne parlons plus. Soyons sages.
Et ne bougeons pas. C’est si bon
tes mains tièdes sur mon visage!…
Mais qu’est-ce encor ? Que nous veut-on ?
Ah! c’est le café qu’on apporte !
Eh bien, posez ça là, voyons !
Faites vite!… Et fermez la porte !
Qu’est-ce que je te disais donc ?
Nous prenons ce café… maintenant ? Tu préfères ?
C’est vrai : toi, tu l’aimes très chaud.
Veux-tu que je te serve? Attends! Laisse-moi faire.
Il est fort, aujourd’hui. Du sucre? Un seul morceau?
C’est assez? Veux-tu que je goûte?
Là! Voici votre tasse, amour…
Mais qu’il fait sombre. On n’y voit goutte.
Lève donc un peu l’abat-jour.
Paul Geraldy
Comment by Denise Rossetti — 14 novembre 2007 @ 7:06