Lali

31 mars 2024

En vos mots 884

Filed under: Couleurs et textures,En vos mots — Lali @ 8:00

J’aime beaucoup le travail de Pierre Mornet. Vous avez d’ailleurs croisé plusieurs de ses scènes livresques au fil des ans au pays de Lali. Mais jamais je n’avais soumis une de ses images à vos mots. C’est donc aujourd’hui le grand jour.

Puisse cette lectrice qu’il a imaginée vous inspire quelques lignes. C’est avec plaisir que nous vous lirons dans une semaine et pas avant, Mais en attendant, prenez le temps de lire les textes déposés sur l’illustration de dimanche dernier, que je viens à l’instant de valider, et même de les commenter si vous le souhaitez.

Joyeuses Pâques à tous les envosmotistes et à celles et ceux qui les lisent. Rendez-vous dans une semaine pour la suite!

2 commentaires »

  1. Maria reste seule et pensive au centre du champ de fleurs. Un halo doré semble persister après la séance de pose, qui fut longue. Mais c’est de l’or rouge à présent qui inonde le ciel, en ce début de soirée. Cette voûte céleste couleur de sang lui procure un léger écoeurement, comme une nausée. Il y a longtemps que l’or a pris dans sa vie la saveur des larmes. Un sentiment curieux, mêlé de joie et de peine. Car elle n’est pas du tout la favorite du peintre. Il lui en préfère de loin une autre, bien plus solaire. Moins modeste et plus audacieuse. Elle, Maria, restera à jamais une maîtresse discrète, un modèle parmi d’autres. Peut-être de passage dans l’existence du grand homme. Venue de sa Tchécoslovaquie, elle a eu l’heur de retenir son attention. Et la belle Emilie, si superbe soit-elle, doit s’y faire. D’autres femmes défilent dans la vie de son Gustav. Maria doit l’accepter aussi.
    Ce soir, le coeur de la jeune fille oscille plus que jamais entre tristesse et fierté. Car sur ses rivales, elle vient d’ acquérir un privilège, encore tenu secret, mais pour combien de temps? Comme en négatif de la couleur sanguine envahissant les cieux, son sang à elle n’a pas coulé à la dernière pleine lune. Et là dans son ventre, elle sent très précisément que son amour pour le maître vient d’engendrer un petit être, encore minuscule mais déjà si présent. Portera-t-il le nom du célèbre artiste? Quand et comment lui en parlera-t-elle, et quelle sera la réaction de cet homme qu’elle vénère et aime?

    Comment by anémone — 5 avril 2024 @ 10:08

  2. Lisbonne, 7 avril 2024

    Ma chère B.,

    Depuis une bonne semaine que la pluie s’invite quotidiennement à Lisbonne. Je n’ai pas la mémoire d’une période si faste en ciel gris et pluie froide. Nous sommes au mois d’avril, nom d’une salopateca bancal. Est-ce que l’horloge du monde est au courant qu’au mois d’avril il fait toujours beau au Portugal?… Il aurait suffit de prendre un prospectus dans une quelconque agence touristique pour le savoir.

    Je me suis décidé à faire un peu de rangement. Drôle d’idée, pour tuer l’ennui, que celle de se dire qu’on va enfin mettre de l’ordre dans tout ce qui traîne depuis des années, et qu’on a inlassablement remis, selon la formule, « à demain ». Faut dire que depuis vingt ans je me dis que je ferai du rangement demain, alors qu’il aurait été plus judicieux de dire je rangerai un jour. Et le jour, c’était hier.

    Des bouts de papiers, quelques mots notés à la va-vite, des numéros de téléphone sans nom qui ne me servent plus à rien, des factures de restaurants et de librairies, des boîtes d’allumettes publicitaires encore vierges qu’on ramasse par habitude, des marque-pages… et puis une photo. Format passeport. D’une femme, au regard ailleurs et triste, sur laquelle je m’attarde.

    C’est elle, celle par qui j’ai vécu mes tout premiers instants de vie. Je garde d’ailleurs la cicatrice fibreuse d’un cordon ombilical qui nous à liés intimement comme un seul. À force de ne pas y penser, on ne fait plus attention au seul vestige du premier de tous nos liens. Celui le plus intime de tous. La mère. Tous les chagrins qui viennent après ne peuvent effacer ce fait. Jamais. C’est par elle que tout a commencé. Que je suis là. Que nous sommes là.

    Je me dis que si un jour on se rencontre, on pourrait en parler, à mi-voix, les yeux posés sur la même photo. Pleurer nos enfances. Maudire nos destins. Se plaindre de nos douleurs. Et puis faire un long silence apaisé. Puisqu’il n’y a plus rien à dire. Tout est déjà dit. Tout a déjà été vécu. C’est ainsi. Il restera a nous promettre de ne plus murmurer au futur ce qui a été notre passé. Il n’a nul besoin de l’apprendre.

    Puis, l’aube venant, sourire heureux, dire qu’on ira, enfin, lui pardonner. Tout lui pardonner. Pour elle. Pour nous. Parce qu’il est si merveilleux d’entendre la musique de nos coeurs. Et comme au temps de nos enfances, nous dire que nous serons heureux. Toujours heureux. Follement heureux.

    Je t’embrasse.
    A.

    Comment by Armando — 6 avril 2024 @ 4:39

Flux RSS des commentaires de cet article. TrackBack URI

Laisser un commentaire