En vos mots 822
Alors que je viens à l’instant de valider les textes que vous avez déposés sur la scène livresque de dimanche dernier afin de la faire vivre en vos mots, que je vous invite d’ailleurs à lire et à commenter, je vous propose cette semaine de nous raconter ce qu’évoque pour vous cette toile de Boris Koustodiev.
Quel est ce livre qu’a déposé la lectrice pour accueilir le jeune homme venu lui rendre visite? Qui est-il? Quel lien les unit? À vous de nous le dire, en vers ou en prose. Il n’y a pas de règles au pays de Lali.
C’est avec plaisir que nous vous lirons dans une semaine, et pas avant, au moment de la validation des textes reçus.
D’ici là, bon dimanche et bonne semaine à tous les envosmotistes et à celles et ceux qui les lisent.
Un Russe ouvre des fenêtres vers de nouveaux paysages
« Toute variété de dimension trois, fermée sans bord, simplement connexe, est équivalente à une sphère », Poincaré, 1904.
J’imagine fort bien qu’une telle proposition vous donna, au moins une fois dans votre vie, voire aujourd’hui, là ici, quelques boutons …
Mais, si les mathématiques sont réputées ardues sur les bancs des écoles, n’est-ce pas parce que nous dévoilant tous leurs tourments, elles ne nous font aucune révélation sur ce qu’ont d’universel par exemple le laser, l’ordinateur, le Smartphone, Facebook and so on, par le simple fait que – par le miracle de quelques branches – elles les ont tout bonnement enfantés ?
Ni sur les retombées magiques induites par la résolution d’énigmes triviales. Ainsi, parmi les suppositions ancestrales, celle de Poincaré parait d’une simplicité inouïe :
Pour identifier parmi des formes tordues, en caoutchouc déformable, celles apparentées à un ballon et les autres, même un petit enfant y arrive car il distingue facilement la bouée de la balle : l’une est percée d’un trou …
Mais comme la conjecture doit être démontrée rigoureusement, alors plus de rires, et les groupes de relecture, cassent et recassent régulièrement les mathématiciens les plus surdoués.
Puis un jour trois articles débarquent sur internet ne comportant, au surplus, la solution à l’énigme de Poincaré que comme une réponse annexe particulière !
Trois ans durant, des correcteurs suent pour comprendre … et concluent tous que c’est correct ! Plus fort, la méthode développée crée des horizons sur la physique des particules et sur la gravitation.
Un Russe ouvre des fenêtres vers de nouveaux paysages, vit chez maman, a les cheveux et les ongles longs, et refuse l’équivalent du prix Nobel et le prix Clay d’un million de dollars, récompenses pour l’un des sept mystères du millénaire.
Lui, il trouve qu’il n’a pas fait grand chose …
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https://fr.wikipedia.org/wiki/Grigori_Perelman
Comment by Cavalier — 23 janvier 2023 @ 13:34
Elle est souvent à sa fenêtre,
Il passe lui faire des compliments.
Mais elle trouve ceux-ci bien piètres,
Et n’y répond qu’obligeamment.
Après quelques galanteries,
Il parle pluie et beau temps.
Hors de toute coquetterie,
Elle délaisse un peu son roman.
Dans son coeur à lui c’est le feu
De l’été, un feu de brindilles.
Mais elle l’aime bien trop peu
Pour se perdre en minauderies.
Elle, à l’automne de sa vie,
Ne croit plus au prince charmant.
Mais cette petite comédie
Lui apporte quelque agrément.
Alors elle ouvre sa fenêtre,
Et même si elle sait qu’il ment,
Elle savoure le bien-être
D’avoir encore un soupirant.
Comment by anémone — 25 janvier 2023 @ 7:59
La première fois que je l’ai vue, elle arrosait ses fleurs. « Je vous amène le petit monstre », lui a dit, avec un sourire crispé, le monsieur de l’Assistance sociale, avant de poursuivre. « Ce ne sera que pour une semaine, en principe. On va finir par lui trouver quelque chose…»
Autant vous dire que, comme dans les bandes dessinées, la semaine est devenue des mois, puis des années. Et enfin, toujours.
Vers mes 6 ans, un monsieur avec un costume gris est venu. Elle l’a invité à entrer et, assis à la table de la terrasse, entre le café et les biscuits, je l’ai entendu lui dire : « Madame, nous avons cherché partout. Mis plusieurs personnes sur l’affaire depuis des mois, et il s’est envolé. Personne ne trouve la trace de ce fumier. Nulle part. Il doit être caché aux confins de l’Afrique ou du Canada, dans un de ces endroits reculés où personne ne va et a pris sans doute avec une nouvelle identité… mais nous poursuivons les recherches. »
En guise de remerciements, elle a tenu à lui offrir un petit bouquet de fleurs qu’elle est allée elle-même cueillir dans son jardin. « Pour votre dame. »
J’ai appris par la suite qu’ils recherchaient son mari. Ivrogne et violent. Son bourreau des années durant et qui avait disparu depuis des années à la suite d’une main courante archivée dans le tiroir des oubliettes du commissariat de quartier.
Léonor était une dame douce, calme et silencieuse. Son monde se partageait entre la lecture, la musique classique et son massif de fleurs au fond du jardin, qu’elle entretenait religieusement, pimenté par quelques moments de conversations inutiles avec le voisinage. Puisqu’il le faut, disait-elle.
Le dernier jour de sa vie, alors que j’allais vers mes 19 ans, elle avait l’air tellement sereine, comme si elle se délivrait enfin du fardeau de son existence.
« J’aimerais écouter, avant de m’en aller, le concerto d’Aranjuez, mais la version de Dorothy Ashby. »
Et nous l’avons écouté. Dans un de ses silences qui semblent suspendre le temps qui passe.
Puis, à la dernière note, elle a regardé une ultime fois son rosier en fleur et d’une voix presque inaudible m’a confié : Au moins j’aurais appris que le fumier nourrit les plantes.
Comment by Armando — 27 janvier 2023 @ 0:43