En vos mots 654
Que peut bien lire à haute voix l’un des personnages peints par Hans Andersen Brenkekilde? À vous de nous le raconter, en vos mots, comme vous le faites si bien semaine après semaine.
Aucun commentaire ne sera validé avant dimanche prochain, ce qui vous laisse amplement de temps pour écrire un poème ou une courte nouvelle, et pour lire les textes déposés sur la toile de dimanche dernier.
D’ici là, profitez bien des couleurs de l’automne avant que toutes les feuilles ne soient tombées!
Ils ressemblaient à l’hiver
Quand la neige fait silence
Comme un fruit de la terre
Un secret, une confidence
Ils étaient si renfermés
Qu’on les disait peu dociles
Ils n‘aimaient pas parler
Les mots sont souvent inutiles
Leurs vies étaient calleuses
Comme leur poignée de main
Ils avaient si peu de choses
Pour tellement de chagrins
Et ils s’en sont allés un jour
En emportant leurs mystères
Et en laissant tout autour
Le silence immobile de l’hiver
Comment by Armando — 23 octobre 2019 @ 5:07
Heureusement qu’il y avait le journal, pour faire parvenir dans ce coin reculé les nouvelles du monde!
A vrai dire, ils commençaient toujours par les rubriques locales. En matière de priorités, le bulletin colombophile se
le disputait à la chronique agricole. L’énoncé des titres déterminait lequel de ces deux grands favoris allait ouvrir
le feu. (Ou le bal?)
Ensuite venaient les commentaires sportifs.
D’abord ceux concernant les équipes régionales. Puis seulement, ils se penchaient avec condescendance sur les compte-
rendus nationaux et internationaux.
Etienne survolait après cela, avec plus ou moins de célérité selon le contenu, la grande actualité, européenne et
mondiale.
Il aimait depuis des années débattre de tous ces domaines avec son voisin François. Etienne et François n’étaient pas
toujours entièrement d’accord l’un avec l’autre, mais ils aimaient à l’unisson discuter politique, économie,
agriculture, sport et colombophilie.
A défaut d’avoir les mêmes idées sur tout, ils harmonisaient sur le choix des sujets, jusqu’à se désintéresser en
commun, et avec une pareille aversion, des concours hippiques. Jamais un bon cheval ne vaudrait un bon pigeon!
Informer et distraire, telle était la fonction de la précieuse gazette, et elle s’y entendait très bien.
Etienne coulait un regard circonspect sur la nécrologie, qui parfois recelait une annonce à partager, qui embuait un
instant l’atmosphère, comme un voile de mélancolie.
La rubrique « Mariages et baptêmes », ne les intéressait que très modérément. Il n’étaient pas loin de considérer que ces
informations relevaient assez trivialement des « potins », dont ils estimaient de concert ne pas avoir à être au courant.
Ils aimaient les comic strips, mais aucunement les feuilletons, jugés unanimement insipides et trop longs.
Etienne coulait alors subrepticement un oeil à l’horoscope, car jamais il n’aurait avoué à François qu’il se plaisait à
le parcourir. Et seulement quand cela était fait, en douce, il daignait passer nonchalamment à son copain la feuille
de chou, afin que celui-ci se délecte lui-même des comic strips, et puisse en apprécier la facture.
Il laissait aussi à François les mots croisés, qui le laissaient complètement froid et ne lui apportaient aucun
plaisir. Ceux-ci constituaient peut-être le seul point de divergence sur leurs préférences. A part l’horoscope, bien
sûr. Mais cela, François ne le savait pas. Et Etienne se demandait parfois si son ami y jetait comme lui un oeil
discrètement inquisiteur.
Seuls les mots croisés donc ne faisaient pas se croiser leurs intérêts ni leurs passions. Quant aux sudokus, à
l’époque, ils n’existaient pas encore.
Comment by anemone — 26 octobre 2019 @ 14:09