Olivia, la narratrice des Silences de Porto Santo, n’a jamais pu oublier Madère où elle est née, ni ce père qu’on lui a enlevé pour l’emprisonner parce que ses idées s’opposaient à celles du régime en place, pas plus que ce premier amour qui n’est jamais revenu d’Angola, enrôlé de force, comme l’ont été de nombreux jeunes, dans des guerres coloniales.
Et à l’heure où l’homme qu’elle aime, reporter, va partir pour l’Angola suivre des médecins afin de relater leur vie en images, dans ce Paris où elle a élu domicile pour éloigner d’elle la petite fille qui pleurait et qui enterrait sa poupée pour ne pas qu’on lui enlève sa seule amie, elle a peur. Terriblement peur. Lucas n’est jamais rentré. Et si un sort identique attendait Pierre en Angola?
Et tandis que le présent se trouble des images d’hier, que les mots d’aujourd’hui se mêlent aux silences du passé, Olivia apprivoise ce qu’elle a longtemps tu. On ne peut changer ou oublier ce qui a été. Pas plus les bateaux qui emportaient des hommes et les ramenaient brisés que les mots des livres interdits que Lucas lui lisait sur la plage.
Alice Machado, qui écrit en français bien que sa langue maternelle soit le portugais, signe avec ce court roman une ode à la vie, à l’amour. Un roman dont j’ai retenu ces phrases : « À Paris je me retrouvais seule, sans plus de témoins de ce passé, cette terrible existence, enfermée dans mes silences. Je portais mon deuil dans un pli de mon âme, sans que le regard des autres ne puisse un instant le deviner. »