Vivre, c’est oser descendre Lombard Street
« Trouver d’abord, chercher ensuite » (Marguerite Duras)
Je ne cherche plus à savoir pourquoi tel ou tel souvenir quand il surgit dans mon esprit. Je le cueille et je le laisse descendre à mes doigts pourqu’il s’inscrive ici. Chercher ne donnerait rien de toute manière. Sauf peut-être après, l’idée trouvée, si nous sentons le besoin absolu de comprendre le pourquoi du comment. Mais je ne m’astreins plus à aller jusque là. Je saisis l’image et la laisse vivre. Sans plus.
Et ce soir, c’est Lombard Street qui est arrivé sans crier gare dans ma tête. Lombard Street un jour de juin 1979 où je faisais office de guide et de liseuse de cartes routières. Mission du jour: la fameuse rue en tournicoti-tournicotons de San Francisco. Et quand j’ai annoncé tout de go, en haut d’une côte qu’elle était là, qu’il suffisait juste de la descendre, je revois le regard de mes parents. Ils avaient engendré une cinglée ! On n’allait quand même pas descendre la rue en voiture ! Et moi de dire, en guise de plaidoyer, c’est tout de suite ou jamais. Et ce fut tout de suite !
J’aime les gens qui ne réfléchissent pas des heures quand l’occasion se présente. C’est oui, c’est non, pas cette espèce de zone floue entre les deux, ces valses où on hésite, un pas devant, un pas derrière. Et ça valait le coup ! C’est fou, cette descente de pente à 60 degrés avec des virages en épingle, oui, fou ! On fait ça une fois dans une vie !
Et d’en bas, on regarde tout cela et on dit juste Wow ! Parce qu’il n’y a pas d’autre mot pour ça. Parce que vivre, c’est ne pas toujours se demander si, mais plutôt foncer. Qu’il s’agisse de descendre Lombard Street, de dire Je t’aime ou juste ce que l’on pense vraiment, sans trafiquer la vérité, ce qui semble être le jeu de bien des gens.
Et si toute vérité n’est pas bonne à dire, je considère qu’il vaut mieux se taire que de dire une vérité relative. Mais il m’est bien difficile de me taire. Déjà qu’à deux ans, j’allais au devant des gens me présenter d’un « Kiki, 2 ans » en tendant la main aux étrangers sous le regard affolé de mes parents… Ils se sont remis depuis, n’ayez crainte. Et ont bien compris que je n’en ferais qu’à ma tête, toujours, même si à mon âge, ils restent les seuls à pouvoir me retenir… à l’occasion.