Une heure, juste une heure
Nous nous étions donné rendez-vous il y a un moment et j’étais là à l’attendre depuis déjà une demi-heure quand elle est arrivée essoufflée. Elle avait dû envoyer un courriel à Boston avant de partir et ça avait été plus long que prévu. Mais elle était là et elle avait une heure devant elle. On devait l’appeler de Londres dans une heure et demie.
Une heure pour rattraper quinze ans. Cela me paraissait bien court. Entre deux bouchées de la salade qu’elle a à peine touchée, elle a fait le tour de sa vie, le Blackberry pas loin. Au cas où.
Je n’avais pas de success story à raconter, j’ai écouté la sienne. Pleine de chiffres, de contacts, de voyages d’affaires. Mon combat pour la langue française était bien insipide. Dans quinze ans, tout le monde allait parler mandarin, loi du marché oblige, m’a-t-elle expliqué, forte de son MBA et de son expérience.
Puis l’heure a passé. C’est moi qui maintenant étais essoufflée.
Je l’ai regardée courir vers sa voiture. La jeune femme que j’avais connue n’existait plus. Et probablement n’allais-je pas revoir ce qu’elle est devenue. Le monde l’attendait au bout du fil alors que moi, un livre m’attendait. Et soudainement, ma respiration est devenue normale.
*toile de David Park
J’aime l’ambiance de ton récit !
Bonne soirée, Lali !
Comment by naline — 20 décembre 2010 @ 14:49
Une fracture entre les êtres bien illustrée. Des destins parallèles qui ne peuvent plus cheminer ensemble.
ça fait mal ou ça aide à tourner la page.
Comment by Maïté — 20 décembre 2010 @ 15:12
Ouf, j’ai repris mon souffle également tant je l’ai bien imaginée. J’en ai connu des personnes semblables et parfois même je pouvais les envier. Mais non, pas possible, je suis efficace mais dans la lenteur… Et il n’est pas sûr que ce tourbillon ait réussi sa vie, comme elle pourrait nous amener à le croire.
Comment by LOU — 20 décembre 2010 @ 15:23
On espère si souvent retrouver la complicité, le ton simple et vrai que l’on avait avant, avant … un récit bien mené Lali comme tu sais le faire toujours. Le souffle était un peu court pour te suivre. Je suis certaine que je lui laisse son Blackberry et si tu veux bien me prêter un livre ? 😉
Bises
Comment by Chris — 21 décembre 2010 @ 4:09
Parfois, on croit que tout sera comme avant… deux amies qui dialoguent, qui rient, qui partage mais d’après ton billet, Lali, on est loin de tout cela… ce n’est plus un dialogue, c’est un monologue et la belle complicité qui devait exister avant, n’existe plus! Un coup de vent est passé…
Comment by Denise — 21 décembre 2010 @ 7:44
Comme le dit si bien Denise « un coup de vent est passé » et je me sens déjà dépassée par cette vie où le monde s’est enroulé volontairement dans la camisole de force des moyens de communication hyper sophistiqués.
Pour Noël tous veulent des colliers anti-liberté, des agendas super déjà remplis et planifiés, des « amis » de collection et la gloire de prétendre pouvoir tout faire. Je dirais plutôt: tout effleurer…mais savent-ils encore ce que c’est qu’une fleur…
Comment by Flairjoy — 21 décembre 2010 @ 9:51