Un dimanche avec Charles Cros 1
Le 9 août 1888 s’éteignait Charles Cros, poète et inventeur. Ce qui m’a donné l’idée de vous proposer une dizaine de ses poèmes, même si au fil des ans, vous avez eu droit à quelques autres.
Et pour débuter, celui-ci, choisi par la lectrice peinte par Catherine Solier :
À ma femme endormie
Tu dors en croyant que mes vers
Vont encombrer tout l'univers
De désastres et d'incendies;
Elles sont si rares pourtant
Mes chansons au soleil couchant
Et mes lointaines mélodies.
Mais si je dérange parfois
La sérénité des cieux froids,
Si des sons d'acier ou de cuivre
Ou d'or, vibrent dans mes chansons,
Pardonne ces hautes façons,
C'est que je me hâte de vivre.
Et puis tu m'aimeras toujours.
Éternelles sont les amours
Dont ma mémoire est le repaire;
Nos enfants seront de fiers gars
Qui répareront les dégâts,
Que dans ta vie a faits leur père.
Ils dorment sans rêver à rien,
Dans le nuage aérien
Des cheveux sur leurs fines têtes;
Et toi, près d'eux, tu dors aussi,
Ayant oublié, le souci
De tout travail, de toutes dettes.
Moi je veille et je fais ces vers
Qui laisseront tout l'univers
Sans désastre et sans incendie;
Et demain, au soleil montant
Tu souriras en écoutant
Cette tranquille mélodie.