Un défi réussi
C’est au moyen de phrases réduites à leur strict minimum qu’Olyvier Leroux-Picard a choisi de s’exprimer dans Fondations, qui vient de paraître aux éditions du passage, afin d’aller à l’essentiel tout en créant des images fortes et sensibles. L’exercice est pourtant périlleux et ceux qui en ont fait l’expérience n’ont pas toujours été à la hauteur de leur ambition. Mais le lauréat du prix Imaginaires collectifs de la Fondation Charles-Gagnon a réussi à éviter les pièges propres à un tel défi et nous livre avec son premier recueil plus qu’un exercice de style.
Le chemin tourmenté qui sert à établir ses fondations est parfois semé d’écueils, d’autres fois moins aride, mais toujours troublant :
s’apparenter :
pouvoir
de lier par
les larmes tes larmes
sur mon visage
Usant de mots comme d’autres usent des pinceaux les plus fins, il trace grâce à ceux-ci des paysages, des portraits, des gestes et des scènes qui prennent forme sous nos yeux et se déploient sans artifices ou abus d’adjectifs :
de la pointe qui m’échine
à l’accueil qui m’apaise
l’ampleur
sanctionne ma voix
chaque mise en forme
de ce qui m’anime
devient mise au monde
inachevable
C’est dans cette naissance ou ce qui tient lieu de naissance – au sens figuré comme au sens propre – que le poète interroge sa condition d’être humain dans un monde en perpétuel mouvement où il est si facile de perdre pied ou de laisser l’eau se troubler. D’où les doutes, les questions, les chemins de tourment(e)s qui jalonnent le parcours de celui qui pose ici un regard sur la vie et sur comment elle se construit :
l’incessante marche
d’angoisse
m’échine et m’accueille
dans ses bras d’ampleur
je vis à perte
de vue
Sur l’horizon se posent étage après étage les vers de cette nouvelle voix qu’est celle d’Olyvier Leroux-Picard qui, sans strass et effets de style inutiles, propose une vision personnelle de la rencontre avec l’Autre, sans le définir autrement que par un appel qui engage celui qui choisit d’y répondre, poète comme lecteur.