Strasbourg pour Liliane
Je suis ces villes parcourues trop rapidement ou en y flânant. Je suis ces rues, ces quartiers d’ici. Je suis tous les parcours de ma mémoire et de mes souvenirs à construire. Je suis le fleuve de ma ville natale, je suis le lac auprès duquel mon grand-père a grandi, je suis un peu de ces océans où j’ai trempé les pieds.
Je suis le vent de Bretagne, celui d’Ostende, de Provincetown et de Marseille. Je suis le coucher de soleil sur Santa Barbara, sur la vallée de Martigny et sur Oxford. Je suis faite de tout ça, de toutes ces traces sur ma peau, de toutes ces odeurs, de ces couleurs.
Je suis faite de ces détails qui ont embrasé mes sens.
Je suis tantôt ici, tantôt là-bas. Et je me promène dans ma mémoire, suscitant là une émotion, une image, une impression que je tente de révéler. Mais je ne serai jamais objective. Il y a trop de moi dans mes histoires pour que ça le soit.
Et ce soir, je me revois à Strasbourg. Bientôt 25 ans depuis cette première fois et la seconde n’a été qu’un arrêt vite fait à la gare. Mais mes souvenirs n’ont pas vieilli. Je revois les maisons à colombages comme si je les avais quittées hier. Je ferme les yeux et j’ai sur la langue le goût de la tarte à l’oignon, mangé sous un chapiteau, à la sortie de la ville. Dommage de ne plus avoir de nouvelles de Liliane, alors qu’en 1983 j’étais à son mariage.
Il y a tant de gens dont j’ai perdu la trace, mais que je devrais me donner la peine de retrouver.
Et si j’en faisais le projet de mon été ? Retrouver Liliane… et Jane, Iona, Marie-Christine, Chantal, Anne-Françoise, Florence…
Oui, Liliane, pour ce jour de juillet, là, juste là, dans ce paysage que je n’oublierai pas.
Pas plus que je ne l’oublierai elle.