Poèmes de la mer 4
Minuit
C’est toujours le même doute :
On la guette; elle approche sans bruit;
Elle rit tour bas et froufroute
Entre les algues bercées :
Elle s’est doucement glissée
À travers les brisants, là-bas, dans la nuit;
Elle a peut qu’on l’écoute;
Et, sur le sable discret,
Elle hésite et recule d’un pas,
Et les algues s’égouttent…
Mais la voici qui bute aux galets
Qui s’écroulent en fracas!
Entends-la, maintenant, la voilà reconnue;
Elle éveille la dune
D’un grand cri de défi
Et se lève, éperdue,
Avec sa chevelure d’écume, sous la lune,
Qui s’y pose, cornue…
Elle varie son air au hasard de la grève;
Selon galets ou sable, elle mêle
Aux plaines de l’Arc éternel
La voix claire et frêle du Rêve;
Car notre âme est en elle…
S’en aller à elle et l’étreindre
Et se fondre en sa caresse vive!
Se vêtir d’elle et la ceindre
Et se draper en elle et en vivre
Et rire en sa voix et s’y plaindre
Et la pleurer toute et la suivre!
Car la voici étale; elle est lasse
De son œuvre fatale et vaine;
C’est l’heure des affres humaines:
Par-delà les grèves basses,
S’en retournant, elle entraîne
Vers l’éternité sans trace,
En son filet qui racle et qui roule
Et se tord et hurle en la houle,
L’âme des morts que l’aube chasse…
Frabcis Vielé-Griffin, Cent poèmes de la mer
*choix de la lectrice d’Ethan Allen Greenwood
Merci pour cette découverte ainsi que les autres sur le même thème.
J’aime beaucoup la mer et tout ce qui s’écrit autour d’elle.
Comment by Maïté — 8 décembre 2010 @ 3:53