Les cahiers qu’on brûle
Chaque soir, elle retrouve ses cahiers, comme d’autres retrouvent les leurs. C’est avec eux qu’elle converse, c’est à eux qu’elle se raconte, qu’elle se livre. Depuis des années et probablement pour encore des années. Chaque cahier terminé est rangé dans une boîte sur la tablette du haut du placard du couloir. Difficile à atteindre. La tentation est probablement moins grande de se relire quand il faut un tel exercice pour les avoir à portée de main. Et puis, se dit-elle, à quoi bon replonger dans des souvenirs? Ils sont là, ils existent, ils ont été vécus.
Ils sont là pour le jour où elle n’aura plus rien à raconter. Pour ce jour où la mémoire flanchera et où elle aura besoin de retrouver les pièces manquantes. Ou alors, elle les aura brûlés. Elle y pense parfois. Puisqu’elle ne veut que personne ne lise ces lignes qui n’appartiennent qu’à elle.
Les cahiers que j’ai noircis pendant près de 20 ans, au jour le jour, comme le fait celle qui écrit peinte par Emmanuel Garant, sont eux aussi dans une boîte. Peut-être pas aussi bien dissimulée que la sienne, mais tout de même. Il est rare que j’ouvre les boîtes. Je n’en vois pas l’utilité. À quoi me servirait-il de relire les traces de jours sombres ou de moments d’exaltation? Je sais qu’ils sont là. Je sais aussi que les cahiers sont là pour ce jour où je me déciderai à aller y glaner quelques phrases avant de brûler le tout.
BrÛler?… Non, pitié!…
Ce serait effacer la mémoire des choses. Perdre les contours d’un vécu qui nous a construit. Moi, j’adore lire les traces du passé. Un jour, j’aurais aimé être magicien, me faire tout petit et m’installer dans les boîtes de la mémoire. Pour lire la vraie âme des gens. Lire ces morceaux secrets, ces confidences pour comprendre leur chemin, leur rires et leurs larmes.
Chaque être est un monde de mystère. Chaque être est fascinant, comme l’écrivaine peinte par Emmanuel Garant.
Comment by Zef — 13 janvier 2008 @ 22:50
Ce serait vraiment dommage de tout brûler. Les cahiers, dans leur boîte, ne dérangent personne. Oui, bien sûr, les souvenirs sont dans un petit coin du coeur mais les écrits restent aussi dans leur coin à eux. Et si un jour, tu voulais y retrouver, ne serait-ce qu’une phrase ?
Comment by Denise — 14 janvier 2008 @ 9:27