L’écume des jours
À Andenne, L’écume des jours est un restaurant.
À Montréal, c’est une librairie.
Et au départ, il s’agit d’un roman de Boris Vian. « Le plus poignant des romans d’amour contemporains », affirmait Raymond Queneau. Moi qui ai lu ce roman au moins dix fois et qui vais y revenir ces prochains jours, je le range d’emblée à côté de Belle du seigneur, le roman d’Albert Cohen, qui reste LE roman d’amour de tous les temps.
Voilà 30 ans que je retourne à L’écume des jours, comme je retourne aux poèmes de Prévert. Voilà 30 ans que ce roman a quitté l’île de la Réunion dans une enveloppe préparée par Alice et couverte de timbres, et traversé les océans pour arriver jusqu’à moi. Et quel grand jour que celui où j’ai plongé dans l’univers de Vian, celui du « Déserteur » et des caves de Saint-Germain-des-Prés, parcours obligé après la lecture du roman.
Le microsillon ne tourne plus sur la platine, remplacé par un CD, mais je n’ai jamais été capable de m’en débarrasser. Il a été le compagnon de tellement d’heures que je ne pourrais pas m’en départir comme ça, à moins de trouver quelqu’un qui le chérira vraiment.
Mais le roman lui-même ne me quittera pas. Il n’est jamais bien loin. Et c’est toujours avec plaisir et nostalgie entremêlés que je retrouve Colin et Chloé. Eux si superficiels au départ, dans leur écrin de jeunesse et de beauté, et qui se laisseront prendre au filet de l’amour et n’en sortiront pas gagnants. Et pourtant, il y a tant d’humour et d’insolite quand Vian met en scène le grand penseur Jean-Sol Partre ou fait se dérober littéralement l’escalier sous les pas du médecin.
On crie hourra à chaque trouvaille, qu’il s’agisse d’une invention ou d’un jeu de mots; et c’est sûrement dans la langue que le roman de Boris Vian trouve sa force. Car je ne résumerai rien de cette histoire ici, ni ne vous parlerai des anguilles qu’on pêche au robinet ou d’une souris qui a un cœur. Et pourtant, je pourrais. Ou aussi vous parler de ce piano qui fabrique des cocktails.
J’ai juste envie de vous dire que ce livre est une musique de jazz qui n’a rien à envier aux chansons de cet artiste aux mille talents mort prématurément. À qui un libraire a rendu un hommage en donnant à sa boutique le titre de son roman marquant tandis qu’à 6000 km de là, un restaurateur faisait de même pour offrir son menu.
Boris Vian, l’homme aux clins d’œil, qui se fit d’abord remarquer comme pseudo-traducteur sous le nom de Vernon Sullivan pour son J’irai cracher sur vos tombes, apprécierait, j’ose le croire, que je valse ainsi entre roman, lecture et gastronomie. Ne s’agit-il pas ici, tous simplement, de plaisirs?
Pour les amoureux de Boris Vian..
http://clairdefemme.blog.ca/2009/04/20/soiree-hommage-a-boris-vian-en-juin-sur-arte-5976149/
Comment by chantal — 19 mai 2009 @ 5:44