L’anthologie 3
La lectrice de Max Weber s’est précipitée sur l’anthologie, comme si elle n’avait rien eu à lire depuis des semaines, des mois. Je l’ai regardée un moment et je l’ai laissée lire sans témoin. Je savais qu’elle choisirait un poème pour nous et qu’il m’attendrait quand je repasserais.
Passage de l’arbre
Un arbre passe, l’homme le regarde
Et s’aperçoit que ses cheveux sont verts
Il bouge un bras tout bruissant de feuillages
Une main douce à cueillir les hivers
Lentement glisse à travers la muraille
Et forme un fruit pour caresser la mer.
Quand l’enfant vient, c’est la forêt qui parle
Il ne sait pas qu’un arbre peut parler
Il croit entendre un souvenir de sable
La vieille écorce aussi le reconnaît
Mais elle a peur de ce visage pâle.
Chacun s’éloigne – il vole quelques feuilles
Tout l’arbre bouge et jette son adieu
Pour une veine il pelure sept étoiles
Pour une étoile il a donné ses yeux
Il a jeté ses racines au fleuve.
Les derniers cris déserteront les gorges
Quand les oiseaux ne s’y poseront plus
Quelqu’un déchire un à un les automnes
Le fils de l’arbre écarte ses bras nus
Et dit des mots pour que le vent les morde.