La lectrice de Rysselberghe
Non, non, ce n’est pas un Monet. Mais c’est bien une lectrice.
Celle de Theo Van Rysselberghe.
J’aime ses couleurs, j’aime le profil, j’aime le visage penché sur le livre. En fait, j’aime ce qui se dégage de cette toile. Et en fait, tout est là. Ce n’est jamais l’objet lui-même, ou l’être humain lui-même, qui sont importants. C’est plutôt ce qui se dégage, ce qu’on ressent, les émotions qui jaillissent, qui sont primordiaux.
La toile la plus chère ou l’homme le plus beau retiendront le regard un temps seulement si rien d’autre que la surface n’apparaît à celui ou celle qui les contemplent.
On ne choisit pas un tableau pour la spéculation, mais bien parce qu’on veut vivre avec lui. Parce qu’on sent que ce tableau a quelque chose à nous dire et qu’il va prendre des années à nous livrer ses secrets.
Voilà un an que j’ai découvert cette toile. Elle me fait encore vivre des sensations troublantes. Il y a pourtant quelque chose de paisible dans cet instant fixé par le peintre. Mais chaque fois, je me demande si le visage était aussi lisse quand la lectrice parcourait la page précédente. Chaque fois, je me demande si ses yeux se lèveront au détour d’une phrase pour la savourer. Et je me plais à imaginer ces nouvelles poses que le peintre n’a pas choisies, pour privilégier ce moment de bonheur.
Et je rêve.