Lali

4 février 2013

Inoubliable Madeleine

Filed under: À livres ouverts — Lali @ 19:51

Je ne peux pas me considérer comme une adepte des biographies. Mais il m’arrive de déroger à mes habitudes et de me laisser tenter par un titre. C’est le cas de Madeleine Castaing. Mécène à Montparnasse, décoratrice à Saint-Germain-des-Prés, qui met en scène une femme peu ordinaire — c’est le moins qu’on puisse dire — autour de laquelle ont gravité artistes et écrivains pendant trois quarts de siècle.

Décidée, originale, avant-gardiste, généreuse ou radine, mais jamais tiède, Madeleine Castaing a laissé sa marque autant dans les décors qu’elle a conçus que dans la mémoire ou l’imagination du Tout-Paris.

Pourtant, rien ne prédestinait Madeleine Magistry (1894-1992) aux différents rôles qu’elle a tenus au fil du XXe siècle. Fille d’ingénieur, elle épousa très jeune un homme de vingt ans son aîné, riche et cultivé, ce qui lui permit de vivre une vie mondaine et culturelle à la hauteur de ses aspirations.

Actrice à l’heure du cinéma muet, amie de Modigliani qui présenta Soutine au couple Castaing, qui en fit son protégé, châtelaine à ses heures, ce qui lui donna l’occasion de faire ses premières armes à titre de décoratrice, amie entre autres d’Erik Satie, de Blaise Cendrars, du troublé et troublant Maurice Sachs, Madeleine Castaing inspira à Louise de Vilmorin le personnage de Julietta et demeure célèbre pour son excentricité de même que pour son talent de décoratrice.

À plus de 80 ans, Madeleine Castaing, qui n’avait commencé à travailler que la cinquantaine venue, vêtue de leggings bien avant l’heure, coiffée d’une perruque qu’elle retenait au moyen d’un élastique sous le menton et de chapeaux extravagants, allait d’un chantier à l’autre, chinant pour l’un, aménageant pour l’autre, tout en s’entourant de jeunes hommes qui l’admiraient, dont le tout jeune François-Marie Banier.

Vous aurez compris, grâce à ces détails, que Madeleine Castaing n’aimait ni la routine, ni les bons sentiments, et qu’elle s’intéressait peu aux qu’en-dira-t-on de toute sorte, faisant de sa vie un jeu, un éternel feu d’artifices, menant tambour battant tout ce dont elle avait envie. Elle fut, pour toutes ces raisons, une bien mauvaise mère, mais une grand-mère fantasque adorée par ses petits-fils.

D’elle, il reste aujourd’hui un style, un bleu qui lui est propre, des articles sur des maisons qu’elle a décorées, et même deux documentaires. La biographie extrêmement fouillée que lui a consacrée Jean-Noël Liaut à partir de nombreuses entrevues et de documents d’archives vient combler un manque.

Et même si je ne suis pas une adepte de biographies, j’ai eu beaucoup de plaisir à lire celle-ci, qui met en scène à la fois une femme hors-normes qui adorait modifier les lieux et les dates de certaines rencontres afin d’en tirer profit et de faire de sa vie un rêve, ainsi que tous ceux dont elle était le centre d’attraction, issus des lettres et des arts. Même si « … la vérité n’était qu’un accident de parcours pour Madeleine Castaing », l’auteur a réussi à contourner les erreurs de dates et à faire un portrait réussi mais non complaisant de celle qui fut autant adulée que critiquée en son temps, et qui demeure aujourd’hui pour la plupart une héroïne inoubliable.

Un commentaire »

  1. Ton billet m’intéresse beaucoup, Lali. J’ai découvert le rôle de mécène de Madeleine Castaing à l’exposition Soutine, et je note cette biographie, merci.

    Comment by Tania — 5 février 2013 @ 3:38

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