Lali

6 octobre 2024

En vos mots 911

Filed under: Couleurs et textures,En vos mots — Lali @ 8:00

Avec l’arrivée d’octobre et le changement d’heure dans quelques semaines, nous ne tarderons pas à rester au chaud pour lire au lieu de nous promener pour profiter de la beauté de la saison automnale et de ses riches couleurs. La lectrice d’Adel Mordalinova (dont toute trace a disparu) a décidé de prendre un peu d’avance. Il ne vous reste plus qu’à nous raconter en vos mots ce qu’elle évoque pour vous.

Aucun commentaire ne sera validé avant dimanche prochain, vous avez donc plus que le temps de lire les textes déposés sur la scène livresque de dimanche dernier, et de les commenter si vous en avez envie, en plus de faire vivre cette lectrice à votre façon.

D’ici là, bon dimanche et bonne semaine à tous les envosmotistes et à celles et ceux qui les lisent!

2 commentaires »

  1. Lisbonne (ou peut-être ailleurs), 13 octobre 2024

    Ma chère B.,

    J’ai perdu la mémoire de nous. De nos premiers pas. De nos premières peurs.
     
    António est parti. Il est allé se coucher et puis plus rien. Mort de vieillesse. Dans son paisible sommeil. La belle mort. Je me suis souvenu d’avoir entendu quelque part. « Ne pleure pas de l’avoir perdu. Réjouis-toi de l’avoir connu. »

    C’est ainsi qu’indifférent aux mots des amis et curieux, rassemblés au pas de sa porte que je l’ai entendu une dernière fois me raconter la misère, l’alcool, la violence. À croire que du côté câlins et autres tendresses, les animaux dit sauvages se comportent mieux avec leurs nouveau-nés.
     
    Papa remontait la rue en visitant tous les bistrots, pour boire un verre et se plaindre de la dureté de son existence. Amère. Les bavardages sur le comportement ouvert et conciliant de sa femme l’encourageait à boire davantage. Pour avoir du courage. Ou de la haine. Ou les deux.
     
    Puis, chaque soir, c’était les cris, les insultes, la violence. Toi et moi, on pleurait dans nos berceaux, pendant que les voisins murmuraient pauvres gamins en parlant de nous.
     
    Tard le soir, António venait, avec une bouteille de lait, quelques mots et quelques caresses.
     
    Il m’a raconté, plusieurs fois, qu’un soir papa l’aurait insulté et frappé. Mais il est revenu. Même que certains soirs on s’endormait bercés par ses smurmures et caresses. Et António, les yeux brillants et perlés par l’émotion, semblait heureux que je le sache. Puis, comme tout artiste, il s’en sortait par une pirouette en me tapant amicalement dans le dos : « Et te voilà, un homme, maintenant! », disait-il, ému.

    Lorsque quelqu’un s’en va, il y a des gens qui viennent pour toute un tas de raisons. Les curieux qui veulent savoir ce qui se passe. Puis d’autres qui viennent pour raconter leurs aventures communes. D’autres pour dire qu’ils le connaissaient bien. D’autres encore pour dire combien il était honnête, travailleur et bon. Et puis d’autres pour ne rien dire. 

    Puisqu’ils viennent pour eux. Pour ce morceau d’eux qui s’en va. Pour la mémoire des premiers pas et des premiers jours. Et retenir ses larmes. Puisque la mémoire de nous s’en est allée pour toujours, avec lui.
     
    Je t’embrasse.

    A.

    Comment by Armando — 9 octobre 2024 @ 4:54

  2. Anne n’aime rien tant que ces soirées d’octobre. Certes, il fait plus vite sombre, et déjà froid. Mais elle aime cette obscurité dont les autres se plaignent. Dans sa chambre, éclairée seulement d’une petite lampe, elle a l’impression de résider sous la terre. Bien enfouie et en sécurité, protégée de tout. Dans un antre confortable et rassurant, tel celui d’un animal. Un terrier, une tanière. Son côté animal se déploie pleinement en ce mois automnal, plus que jamais.
    Les animaux n’ont pas nos états d’âme. Ils sont sensibles et éprouvent comme nous le plaisir, la tristesse, la souffrance physique et morale. Mais ils ne s’embarrassent pas par exemple de regrets, de remords, ou de considérations sur les aléas des saisons. Ils vivent complètement au présent, en accord avec la nature.
    C’est ce que Anne a principalement en commun avec eux. Ce sont d’ailleurs des livres sur le règne animal qu’elle a choisis sur ses étagères. Et elle en possède un bon paquet! Des ouvrages scientifiques, des fables. Mais aussi des romans et livrets pour enfants, qu’elle affectionne particulièrement pour leurs illustrations et leurs jolis textes tout simples. Ils la reposent et l’enchantent. Elle ne peut se lasser du bonheur régulier de les redécouvrir. Et elle se dit que l’ours comme l’écureuil aimeraient partager avec elle sa poignée de noisettes et sa tisane au miel, si réconfortantes.

    Comment by anémone — 9 octobre 2024 @ 7:57

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