En vos mots 759
Alors que je viens à l’instant de valider les textes déposés sur la scène livresque de dimanche dernier, que je vous invite à lire, je vous propose cette semaine de vous joindre au groupe de lectrices de l’artiste Nicole Avezard afin de nous faire part de leurs lectures, de nous parler d’elles ou simplement de les regarder lire, comme le fait le chat. En vos mots. Comme vous le faites semaine après semaine depuis plus de 14 ans.
C’est avec joie, et un peu de curiosité, avouons-le, que nous vous lirons dans une semaine et pas avant, au moment de la validation des commentaires.
D’ici là, bon dimanche à tous les envosmotistes et à celles et ceux qui les lisent.
Nous nous retrouvons chaque semaine.
Nous n’habitons pas au même endroit:
Pour cette raison certaines même
Ne se déplacent qu’une fois par mois.
Nous sommes comme un club de lecture.
Un groupe où chacune lit pour soi.
Chacune vivant son aventure,
Chacune vibrant de divers émois.
Parfois nous échangeons avec passion,
Tentant d’émerger de notre bouquin.
Nous partageons alors nos impressions,
Auxquelles prend part un matou rouquin.
Mais bien vite nous repiquons du nez
Là où est resté le marque-page.
Un livre n’est jamais abandonné
Au profit de trop longs bavardages!
Comment by anémone — 10 novembre 2021 @ 17:33
Enfant, j’aimais aller chez Léonor. Une dame d’un certain âge et d’une allure respectable. Elle avait le vécu de ces dames qui ont parcouru le monde, fréquenté des endroits exquis et côtoyé toutes sortes de gens au verbe exquis ainsi que des marins au verbe haut et fleuri.
Je me souviens de sa bienveillance et de son rire libre et sans concession. Bouillant. Épais et heureux.
Elle avait instauré un club de lecture pour dames qui se tenait une fois par mois. Pour qu’elles s’échappent du drôle de quotidien minable qu’elles s’imposaient. Comme elle le répétait, d’un calme digne d’un sage Indien. Leurs maris, disait-elle, n’avient qu’à prendre leur mal en patience et si leur repas n’était pas prêt à l’heure de leurs désirs, ils n’avaient qu’à se mettre eux-mêmes à l’ouvrage. « Vous avez aussi deux bras, n’est-ce pas messieurs?… » Et aucun d’eux n’osait le contester.
Les femmes, elles, prenaient un plaisir jouissif et inconnu. Un moment rien que pour elles. Entre elles. Pour lire et partager leurs impressions littéraires. En toute liberté.
Un jour, Léonor, sans qu’elles le sachent, leur avait distribué à chacune le même livre et puis les acait invitées à s’isoler pour lire et raconter, chacune à son tour, ce qu’elle avait retenu.
C’était une journée magnifique.
Mis à part le nom des personnages et les noms des villes en commun à chacune, la même histoire lue n’avait plus, dans le récit des lectrices, les mêmes contours ni les mêmes mots ni les mêmes sentiments. Et il me semble entendre encore la voix ensorcelante et joyeuse de Léonor qui leur disait : Vous voyez, mesdames, les mêmes mots ont autant de lectures que de lecteurs. Ce que nous avons à l’intérieur de nous conditionne ce que nous retenons de ce que nous lisons.
Et, quelque 50 ans plus tard, chaque fois que je vois quelque part une personne en train de lire un bouquin que j’ai eu le bonheur d’avoir déjà lu, j’y pense : Est-ce qu’elle lit la même chose que moi?…. Et je me dis, avec le sourire, que ce n’est pas si sûr.
Comment by Armando Ribeiro — 14 novembre 2021 @ 4:15