En vos mots 39
Est-ce parce que je suis en train de lire Train de nuit pour Lisbonne, dont je vous parlerai ultérieurement que j’ai été séduite par une lectrice dans un train, d’autant plus que Maria Reis, qui signe la toile est portugaise? Peut-être. Il y a dans l’inconscient une part de conscient et dans le conscient une part d’inconscient.
Pour le premier En vos mots de l’année, voici donc une lectrice dans un train. Où va-t-elle ainsi? À vous de le raconter. La toile sera là toute la semaine. Pour votre inspiration. Comme ça a été le cas de celle de Konstatin Korovin qui a donné quelques jolies histoires que je viens de valider comme je le fais tous les dimanches.
Et puis, un petit clin d’œil/invitation à ceux qui hésitent à se laisser emporter par la toile du dimanche.
On prend toujours un train pour quelque part,
Un grand train bleu, un grand train blanc
un grand train noir.
On prend toujours un train pour quelque part.
Au bout du quai flottent des mains
et des mouchoirs…
Pourquoi pas celui d’En vos mots?
Bon voyage et bonne semaine!
Sur un coup de coeur, Virginie décida de partir rejoindre son fiancé. Le voyage sera long car elle habite à Florence. Trop long aussi pour que Patrick obtienne quelques jours de congé.
C’était lundi et Virginie chercha dans sa garde-robe sa belle tenue bleue. Elle adorait le bleu. Dans son entourage, tout le monde l’appelait « la dame en bleu » car Virginie était très souvent vêtue de bleu. C’était sa couleur. Bien entendu, ses chapeaux étaient assortis à ses différentes robes bleues.
Virginie était heureuse comme un pinson. Son coeur battait déjà rien qu’à l’idée de tomber dans les bras de son amoureux, lui, devant rester quelques mois à Paris pour son emploi.
La voilà assise bien confortablement dans le train, wagon première classe. Sachant le voyage long, Virginie pris ses précautions en emportant livres et revues.
Virginie aurait voulu être chanteuse mais son rêve ne s’est pas réalisé.
Tout en parcourant sa revue, à la troisième page, son regard se figea. Elle lu l’article en entier. Un article sur Françoise Hardy. Un article très élogieux sur la chanteuse. Et le déclic se fit en lisant ce très beau texte de cette délicieuse chanteuse :
L’heure bleue
c’est l’heure que je préfère,
on l’appelle l’heure bleue
où tout devient plus beau, plus doux, plus lumineux
c’est comme un voile de rêve
qu’elle mettrait devant les yeux
cette heure bien trop brève
et qui s’appelle l’heure bleue
c’est une heure incertaine, c’est une heure entre deux
où le ciel n’est pas gris même quand le ciel pleut
je n’aime pas bien le jour:
le jour s’évanouit peu à peu
la nuit attend son tour
cela s’appelle l’heure bleue
le jour t’avait pris
et tu te promènes
dans le soir de Paris
l’heure bleue te ramène
c’est l’heure de l’attente quand on est amoureux
attendre celui qu’on aime, il n y a rien de mieux
quand on sait qu’il va venir
c’est le moment le plus heureux
et laissez-moi vous dire
que ça s’appelle l’heure bleue
oui laissez-moi vous dire
comme j’aime l’heure bleue
Virginie s’est dit, puisque je ne suis pas douée pour le chant et bien j’écrirais des textes.
Plusieurs mois déjà que sa famille, ses amis, son fiancé l’encourageaient à prendre la plume… Son voyage n’en fut que plus beau car maintenant elle sait. Elle écrira !
Comment by Denise Rossetti — 6 janvier 2008 @ 10:54
« L’hiver, nous irons
dans un wagon bleuté… »
Lili était en train,
en train de rêver
Au fond d’un wagon,
Un wagon bleuté,
Lili comptait ses toiles
comme d’autres les étoiles
Quelle toile cette semaine
Lili allait-elle préférer ?
Une lectrice parbleu !
Mais pas n’importe laquelle,
Une jouvencelle, pas une pucelle,
Une abonnée du RER
brossée par Hopper !
Saisie d’une peur bleue,
Elle vit soudain face à elle
Une lectrice la fixer
dans le blanc des yeux :
La liseuse du train
l’inconnue au tailleur bleu !
Aussitôt disparue
Et Hopper avec elle,
Lili revint à son chewing gum
Et à son monde merveilleux
bigaré de toiles,
« L’hiver, nous irons
dans un wagon bleuté..
Chantait Lili au fond du wagon
Lili était en train,
en train de rêver…
Pour Lali,
bonne année à tous !
Comment by Vésuvio — 7 janvier 2008 @ 16:24
Quand je suis arrivé, elle était déjà assise. J’ai d’ailleurs hésité à m’asseoir en face d’elle, puisque le banc était vide. Il est toujours vide d’ailleurs.
C’est son allure un peu stricte qui m’a dissuadé de le faire. Sa robe bleue avec son chapeau assorti m’a semblé manquer de fantaisie et de gaieté. Je me souviens m’être égaré dans un sourire en me disant qu’il devrait s’agir d’une vieille fille, du genre intello et coincée, avec laquelle on n’entame pas facilement une conversation, même pour quelques heures passées dans un train.
De plus, il me semblait qu’elle levait uniquement les yeux pour voir les gens qui arrivaient. Elle ne faisait aucun mouvement de la tête. Celle-ci restait penchée, faisant semblant d’être collée à la revue qu’elle était supposée lire. Seuls ses yeux bougeaient. Ça m’agace un peu les gens qui restent figés comme des statues. Qui ne bougent pas la tête et qui se montrent incapables de dessiner un sourire, aussi austère soit-il.
Pourtant, je n’arrêtais pas de la regarder. Je me demandais si elle sentait mon regard posé avec insistance dans sa direction. C’était plus fort que moi. Je devrais rédiger ma présentation et je m’étais promis de le faire pendant le voyage, mais quelque chose en elle retenait mon regard.
Et si elle n’était pas la vieille fille que je m’étais bêtement imaginé?… Je me suis surpris à regarder ses doigts pour voir un signe d’une alliance. Ils étaient étrangement vides. Au fond, me suis-je dit, cela ne veut rien dire. Moi, je suis marié, et je ne porte pas d’alliance.
Plus je l’observais, faisant semblant à mon tour de ne pas lever les yeux de mes feuilles, plus je trouvais étrange la place libre à ses côtés, depuis le début du voyage. La place semblait plutôt occupée par un livre. À qui appartenait ce livre ainsi déposé sur le banc, depuis plus d’une demi-heure?…
Ce livre m’avait fait déduire initialement qu’elle était accompagnée. Quelqu’un qui se serait absenté pour aller au bar ou bien aux toilettes. Mais, depuis le temps, il ou elle serait revenu(e).
Le livre devait alors lui appartenir. Elle l’aurait expressément déposé ainsi pour que personne n’ose prendre la place a ses côtés. En même temps, cela me semblait peu probable. Sinon, pourquoi perdait-elle autant de temps avec cette revue mondaine qu’elle feuilletait sans s’y intéresser vraiment?…
Je crois que c’est à ce moment, pendant que je tergiversais entre des questions sans réponse, qu’elle a levé les yeux vers moi.
Sans doute mon regard était-il devenu trop insitant ou trop pesant et à vrai dire je me sentais un peu incommodé, par son regard franc et serin. Embarrassé, j’ai voulu me justifier et lui dire que, ce qui attirait vraiment mon attention, était le livre, déposé soigneusement sur le banc, à côté d’elle… Bon sang. Quel manque de tact. Des fois, je me demande où j’ai la tête… Je ne pourrais jamais lui dire cela. Ce serait grossier de ma part.
J’ai cru deviner qu’elle avait esquissé un sourire. Son visage était magnifique. Mon regard s’est accroché à ses yeux d’un vert frisson capables de vous hypnotiser à vie. Ah! j’ai compris alors pourquoi elle hésitait à lever les yeux…
Encouragé par son sourire et son regard, je lui ai souri. Puis je lui ai fait un signe en direction du livre.
D’une voix douce et ferme, elle me répondit.
-Je ne sais pas, il était déjà là quand je suis rentrée!…
-Puis-je ?…
-Faites donc…
Je me suis levé pour prendre le livre. J’ai senti un doux et exquis parfum enivrer mon âme.
Mes mains tremblantes ont tenu le livre Il s’agissait d’un recueil de poèmes de Gaston Miron. L’homme rapaillé…
Il y avait écrit une sorte de dédicace… « Les livres sont nés pour être lus et voyager, pas pour mourir dans les étagères »… Encouragez le Bouquinomadisme (Bookcrossing). Plus bas, quelqu’un avec une écriture différente, avait ajouté une phrase d’Amina Said « car nous sommes nombreux à croire à la beauté entière du monde »…
J’ai senti son regard posé sur moi, sans interlude. J’ai levé les yeux et j’ai fixé le vert captif de ses yeux. Je lui ai souri. Elle m’a rendu mon sourire et avec la couleur de ses yeux accrochés au cœur, j’ai ouvert une page au hasard et le monde autour de moi s’est réduit à son image. Dès les premières lignes :
Tu as les yeux pers des champs de rosées
Tu as des yeux d’aventure et d’années-lumière
La douceur du fond des brises au mois de mai…
…
Comment by Armando — 10 janvier 2008 @ 5:20
CHAPEAU BLEU ET POMPON ROUGE
Assises dos à dos dans le train de banlieue,
Deux femmes sont égarées dans un roman d’amour.
Celle qui est toute sage et habillée de bleu
Rédige le chapitre où l’amant fait la cour.
Elle a écrit ce livre peu à peu chaque jour
Dans le train qui l’amène à publier son rêve;
Mais la frousse la tenaille et elle hésite toujours
À dévoiler son oeuvre et prolonge la trêve.
Celle avec une tuque au drôle de pompon rouge
Se perd dans les fantasmes d’un auteur à succès.
Elle a une peur bleue que sa vie branle et bouge.
Elle préfère l’illusion et se terre en secret.
Assises dos à dos dans le train de banlieue,
Deux femmes immobiles stagnent faute de mieux.
Flairjoy
Comment by Flairjoy — 10 janvier 2008 @ 10:51