Lali

17 mars 2013

En vos mots 310

Filed under: Couleurs et textures,En vos mots — Lali @ 8:00

Alors que je viens tout juste de valider vos textes inspirés par la toile de dimanche dernier (que je vous invite d’ailleurs à lire), il est l’heure d’offrir une nouvelle scène livresque à votre imagination.

Puisse celle imaginée par l’artiste David Tutwiler, qui passe l’été à Rockport, Massachusetts, un endroit que j’aime beaucoup, vous donner envie d’écrire quelques lignes. En prose. En vers. Comme bon vous semblera. Selon votre inspiration.

Comme le veut l’habitude, aucun commentaire ne sera validé avant dimanche prochain.

D’ici là, bon dimanche et que les muses vous accompagnent!

5 commentaires »

  1. ARRET EN GARE DU TEMPS OUBLIE

    Le ballast au noyau de charbon,
    Le ballast de quartz au noyau de colombe,
    Au noyau de pêche,
    Au noyau de radium,
    Le noyau est perdu,
    Le noyau est perdu, le noyau s’est perdu.

    Le temps l’a écrasé,
    L’a transformé en cendres,
    L’a réduit à sa peine,
    Et moi, je reste là.

    Devant ces marchandises repues de bruit formé,
    Sous les antennes caténaires

    Aux soleils réverbères

    Qui s’endorment tragiques,
    Au droit rouillé des tôles poulailler,
    Où les traverses d’herbes folles
    Amusent les gamins blasés.

    Sous le ciel azuréen absurde,
    Moi, je reste en triage,
    Et ma rage est plus pesante que le soir.

    Le noyau est perdu, le noyau s’est pendu…

    Comment by Cavalier — 20 mars 2013 @ 11:10

  2. Elle aurait tant voulu prendre son temps sans bousculade, siroter son café matinal en lisant tranquillement le journal quotidien, faire sans se presser le mot croisé et paresser en pyjama en caressant longuement son chat, écarter doucement le rideau pour voir tomber lentement la neige sans avoir à braver le froid qui l’accompagne et se laisser couler dans la lenteur et le silence veloutés d’un seul jour de congé.

    Mais sa vie se déroulait à un train d’enfer, trépidante et sans frein pour arrêter sa course folle. Elle avait choisi les rails d’une ambition débridée chez Statègepub, celles qui dévient sur les chemins de la convoitise et ne la mènent à aucune gare sauf celle ténébreuse et sournoise de l’anxiété perfide. Qui ou quel évènement pourrait la faire dévier de sa voie?

    Nous le saurons peut-être après la pause publicitaire.

    Comment by Flairjoy — 21 mars 2013 @ 7:23

  3. Hiver comme été, il venait chaque jour, à l’heure où le soleil s’en va, accompagné de ses deux inséparables amis. Un vieux chien sans race et son silence.

    Il promenait son regard sur la première page des journaux, puis il prenait Le Quotidien du Sud, un journal qu’on disait sans couleur politique, me tendait la monnaie, puis avec un signe de la main en guise de bonsoir, il s’en allait, mystérieux, la démarche nonchalante, comme il était venu. Le chien lui ressemblait si fort qu’on aurait dit un prolongement indissociable de sa silhouette.

    À part sa présence de quelques instants à cette heure, chaque jour, je ne savais rien de lui. Ni son nom, ni ce qu’il faisait dans l’existence, d’où il venait, ou où il allait. Rien. Et pourtant, j’avais appris à guetter cet instant précieux de son passage, si semblable à ceux de tant et tant de clients du kiosque, et si unique.

    Ce n’est qu’un jour, par le plus grand des hasards, que j’ai surpris une conversation, où on parlait d’un homme qui aurait perdu tous le siens, quelque part au début des années quarante, ceux-ci embarqués dans un de ces trains de la haine vers une destination sans retour, parce que la bêtise des hommes… et qui, depuis lors, passait chaque jour par la gare avant de rentrer chez lui.

    J’ai aussitôt su que c’était de lui qu’on parlait. Je ne sais pas pourquoi, mais mon cœur ne pouvait pas se tromper. J’ai eu une terrible envie de lui adresser quelques mots humains. Et tout le restant de la journée, je me les suis dits dans ma tête. Je les ai perfectionnés. Changés. Raturés. Fignolés. Pleurés. Et, lorsqu’il est venu, comme chaque soir, silencieux et nonchalant, trainant son vieux compagnon au bout de sa laisse, je n’ai pas trouvé le courage de faire autrement que comme d’habitude.

    Et pourtant, ce soir-là, alors que je lui rendais sa monnaie, il m’a dévisagé un long moment, et, pour la première fois, j’ai entendu la musique de sa voix lorsqu’il m’a lancé « Bonsoir, Mathieu »…

    Comment by Armando — 23 mars 2013 @ 13:08

  4. Sur le quai mouillé, le train en provenance de Londres arriva dans un grand bruit de ferraille, de crissements de freins et de gros nuages de vapeur. Allan enfonça encore plus son chapeau sur les yeux et fit semblant de s’intéresser à un des magazines du kiosque. Il s’agissait de voir sans être vu.

    A côté de lui, un jeune garçon et son chien tendaient tous les deux le cou vers les wagons d’où on voyait déjà apparaître le contrôleur balançant sa lanterne. Le chien était sagement assis et trempé jusqu’aux os.

    Il y avait peu de monde, en ce début de soirée froide et humide, mais Allan espéra que la grisaille, la vapeur et les fumées grises et noires suffiraient à le cacher aux regards.

    Comment by Adrienne — 24 mars 2013 @ 6:22

  5. C’était du temps où les trains arrivaient à l’heure.

    Il pouvait y avoir un marchand de journaux, quelques romans de gare, une buvette, où boire de la citronnade chaude. C’était du temps… Et elle rêvait à la jolie locomotive miniature, en acier rouge et noir, aux tenders, aux wagons de sa collection, vieux trains belges vert bronze, Trans Europ Express, lourdes locomotives américaines, pourfendeuses de l’Ouest…

    C’était du temps! Impossible d’imaginer le temps de la vapeur! Si, mais si bien sûr! Lors des Festival Vapeur. Mariembourg-Treignes, Chimay, Virelles… Sous la pluie et dans le vent, dans une multitude d’escarbilles dansantes au goût de brûlé. C’était du temps des autorails et des Picasso, c’était, plus loin encore, du temps de la Rätische Bahn, la jolie ligne ferroviaire et montagnarde à voie métrique.

    C’était du temps où les trains arrivaient à l’heure? Peut-être. Ou peut-être pas! Après tout, on ne sait pas. Mais en ce moment, tandis qu’elle repliait ses affaires et rangeait son livre dans son sac, le panneau annonçait que c’était fini: le train n’irait pas plus loin qu’Ottignies. Celui de Bruxelles venait d’être supprimé et il était impossible de rallier son village que recommençait de recouvrir entièrement une fine pellicule blanche. « Cet hiver qui n’a pas de fin… » – Cet hiver de fin du monde, de désespoir total, qui la pousse à s’enfermer chez elle, pour n’en plus bouger. Enfin, ça, c’est ce qu’elle fera si elle parvient à rentrer un jour chez elle!

    En attendant, elle était là, au milieu de nulle part, alors, au hasard, elle allait monter dans un omnibus pour Gembloux, descendre dans un petit bled à quelques kilomètres de la Nationale 4, Mont St Guibert, Blanmont, Chastre… Et tâcher d’aller chez des amis, qui la reconduiraient, peut-être, chez elle… Oui, elle était jolie, cette peinture, près de la petite gare, des usines désaffectées, accrochée chez le libraire, avec le wagon miniature qu’elle offrirait au petit Robin.

    Mais là, avec ses écharpes, ses gants, son sac en toile et ses bottillons, on était le 23 mars, les trains étaient paralysés et elle avait définitivement froid.

    Comment by Pivoine — 24 mars 2013 @ 7:38

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