En vos mots 175
Vous qui savez si bien faire vivre des toiles semaine après semaine, puisque c’est ce que propose la catégorie En vos mots, créée en avril 2007, puisse la lectrice du peintre britannique John Hoppner, lettre à la main, vous inspirer quelques lignes…
Qu’ils soient en vers ou en prose, qu’ils parlent de la lectrice ou nous livrent le contenu de la lettre qu’elle vient de lire, vos mots viendront, j’en suis certaine, donner un éclairage bien personnel à cette toile. Mots que nous lirons avec plaisir dimanche prochain à l’heure où ils seront validés et que vous pourrez déposer chez vous par la suite comme le font Armando et Lautreje.
D’ici là, bon dimanche et bonne semaine à tous!
C’était une longue lettre. Une lettre qui venait d’ailleurs, d’une de ces îles espagnoles perdues quelque part sur une mappemonde et dont on doute parfois de l’existence. Une lettre signée Maître Paul de la Puenta Cruz.
« Chère Madame,
Il me revient le douloureux devoir de vous informer du décès de votre père, Monsieur Marc Dutrège, dont vous êtes l’unique héritière… »
Mathilde a retenu son souffle à la lecture des premiers mots. Puis elle a jeté un regard attentif à l’enveloppe comme pour avoir la certitude que cette missive s’adressait bien à elle.
C’était bien son nom. Mathilde Dutrège. D’ailleurs elle s’était toujours demandée d’où lui venait ce « Dutrège » auquel elle n’avait jamais trouvé aucune élégance. Un nom si peu commun qu’elle se demandait si elle n’était pas la seule au monde à le porter.
Puis, le cœur battant la chamade elle a repris la lecture de sa lettre :
« Chère Madame,
Il me revient le douloureux devoir de vous informer du décès de votre père, Monsieur Marc Dutrège, dont vous êtes l’unique héritière… »
Elle s’est arrêtée de nouveau. Étonnée, elle a balayé doucement la pièce du regard. Puis elle s’est arrêtée à observer Jean. Si vieux, si fatigué, usé par des années de dur labeur et si serein. Comme apaisé par le devoir accompli.
Jean était plongé dans sa lecture. On aurait dit un de ces justes et sages oubliés dans les tableaux de la Renaissance et desquels semble jaillir cette lumière qu’anoblit l’être humain.
Jean… Ce Jean qui, lors des longues nuits d’hiver, lui lisait des histoires et lui tenait la main lorsque le vent sifflait aux fenêtres et lui faisait peur.
Jean… Ce pauvre Jean qui n’a jamais connu de dimanches et qui, les froids matins d’hiver, à l’aube, partait en ville pour gagner sa vie.
Jean… Ce même Jean qui toute sa vie durant s’est privé de tant et tant de choses pour qu’elle ne connaisse jamais de privations. Pour que rien ne lui manque jamais.
Jean… Ce merveilleux Jean….
Et voilà donc qu’elle apprenait au hasard froid de la lecture de deux malheureuses lignes arrivées d’une île à la consonance espagnole, perdue quelque part sur une mappemonde et dont elle se foutait éperdument de l’existence, que Jean, ce doux et merveilleux Jean…
Soudain, elle a eu de la peine à contenir son émotion, tellement les images soudaines d’une enfance heureuse encore fraîches dans sa mémoire lui sont venues à l’esprit, puis, les douces années d’adolescence, aussi fleuries que des printemps joyeux.
Et que dire de la fierté simple et discrète, presque timide, de Jean, tellement belle à voir le jour où elle a reçu son diplôme… On en parle encore dans les couloirs de l’université. À croire que la Terre n’avait jamais connu d’homme plus heureux. À croire qu’elle ne connaîtrait jamais d’être aussi fier et aussi noble que Jean.
Mathilde a une fois encore jeté un coup d’œil à la lettre :
« Chère Madame,
Il me revient le douloureux devoir de vous informer du décès de votre père, Monsieur Marc Dutrège, dont vous êtes l’unique héritière… »
Puis son regard a dévié vers la belle et cérémonieuse signature et puis le sceau notarial, en relief, plein de gravité et sérieux.
Incrédule et sans l’envie de lire un mot de plus, elle s’est arrêtée. À quoi lui servirait de lire davantage cette lettre qui ne lui apporterait jamais plus de bonheur qu’elle n’en avait connu et qu’elle n’en avait déjà.
Puis, elle a senti le besoin de caresser de son regard le visage doucement illuminé de Jean. Un visage fatigué et sillonné par la dureté des années mais qui conservait un regard si rempli de tendresse…
Jean a levé les yeux de son livre et lui a offert son merveilleux sourire avant d’interrompre le silence parfumé qui inondait la pièce : « Alors Mathilde, ta lettre?… Des bonnes nouvelles?…
-Ce n’est rien… Faut que je la retourne à l’expéditeur… C’est une erreur, Papa…
Comment by Armando — 16 août 2010 @ 4:01
VEUILLEZ PRENDRE LA POSE
Son visage au trois quarts, elle fait belle figure.
Le papier qu’elle tient n’a aucune écriture.
Ses cheveux dénoués volent au ventilateur.
Ses yeux fixent l’horloge, il reste encore une heure.
Elle pose pour le Maître sans jamais être là.
La robe de soie rose ne lui appartient pas.
Le ciel derrière elle n’est que du papier peint.
Elle esquisse un sourire car la pause s’en vient!
Flairjoy
Comment by Flairjoy — 16 août 2010 @ 19:58
En l’espace de quelques minutes, le temps de lire la lettre, le visage de Yolande s’est détendu.
Son visage est à nouveau serein. Elle est si belle!
Il faut dire qu’en recevant ce courrier, les mains de Yolande tremblaient à un point que sur le moment, elle était incapable d’ouvrir l’enveloppe. La peur de lire une mauvaise nouvelle.
Ce fut tout le contraire! Son coeur battait très fort.
Après quatre mois d’absence, Yolande allait revoir son amour.
Ma chérie, mon coeur,
Quelle ne fut pas ma joie, mon bonheur, lorsque les membres de la direction de l’hôpital m’ont dit de rentrer à la maison. Après quatre mois très difficiles en chirurgie, j’étais soulagé d’apprendre cette nouvelle. Du repos, oui, j’en ai besoin. Tu le sais comme moi mon amour, j’aime mon métier mais parfois, il faut aussi savoir s’arrêter et reprendre son souffle. Chirurgien est un métier très pénible mais c’est un immense bonheur de voir les regards des patients remplis de gratitudes et des sourires après les opérations et surtout de savoir qu’ils ne souffrent plus. C’est cela le plus important, ôter leur souffrance et leur offrir des mots chaleureux. Ils en ont tellement besoin, eux qui vivent dans la pauvreté, souvent seuls sans parents et sans amis après ce terrible tremblement de terre.
Ma chérie, je te raconterai tout cela dans un mois, le temps que je rentre.
Je suis fou d’impatience de te prendre dans mes bras, de t’embrasser. Tu es ma douce, mon soleil qui me fait avancer dans la vie. Nous aurons une famille, cela je te le promets. Je sais que c’est aussi ton voeu le plus cher. Non ne t’inquiète pas, je ne partirais plus, j’ai demandé ma mutation dans l’hôpital de notre ville et elle a été acceptée.
Mon amour, ma fleur, je reviens très bientôt.
Je t’aime,
Arnaud
Comment by Denise — 21 août 2010 @ 14:49
Que d’émotions ! La cuvée du 15 août 2010 me met la rivière aux yeux !
Comment by Lautreje — 22 août 2010 @ 9:32