En vos mots 160
Qui sont-ils? Quels sont ces livres qui sont là et qu’elle ne lit pas? Cela fait-il longtemps qu’il parcourt le journal page après page? Lui arrive-t-il de lire certains articles à haute voix? Voilà autant de questions auxquelles vous pouvez répondre en examinant la toile de l’artiste italien Vittorio Matteo Corcos, ce qui ne vous empêche nullement de prendre d’autres chemins ou d’utiliser la prose ou la poésie pour faire vivre celle-ci à votre manière.
La toile est donc à vous pour sept jours. Le temps que chacun de ceux qui se sentiront inspirés puissent déposer quelques lignes ou plusieurs paragraphes. Afin qu’elle puisse avoir une vie propre en vos mots. Une vie dont nous saurons des bribes grâce à ceux-ci au moment de la validation de tous les commentaires reçus dimanche prochain.
Marjorie pense encore au beau poème qu’elle vient de lire et se dit que tous les deux ont beaucoup de chance de vivre dans ce petit paradis au milieu des vignes. Tout est si calme et harmonieux. Juste le chant des oiseaux pour offrir un merveilleux concert et dans le jardin, les papillons se posaient délicatement sur les fleurs. Un spectacle dominical que Marjorie ne voulait manquer pour rien au monde…
Printemps
Tout est lumière, tout est joie.
L’araignée au pied diligent
Attache aux tulipes de soie
Les rondes dentelles d’argent.
La frissonnante libellule
Mire les globes de ses yeux
Dans l’étang splendide où pullule
Tout un monde mystérieux.
La rose semble, rajeunie,
S’accoupler au bouton vermeil
L’oiseau chante plein d’harmonie
Dans les rameaux pleins de soleil.
Sous les bois, où tout bruit s’émousse,
Le faon craintif joue en rêvant :
Dans les verts écrins de la mousse,
Luit le scarabée, or vivant.
La lune au jour est tiède et pâle
Comme un joyeux convalescent;
Tendre, elle ouvre ses yeux d’opale
D’où la douceur du ciel descend !
Tout vit et se pose avec grâce,
Le rayon sur le seuil ouvert,
L’ombre qui fuit sur l’eau qui passe,
Le ciel bleu sur le coteau vert !
La plaine brille, heureuse et pure;
Le bois jase ; l’herbe fleurit.
– Homme ! ne crains rien ! la nature
Sait le grand secret, et sourit.
Victor Hugo
Comment by Denise — 7 mai 2010 @ 11:29
Depuis quelque temps, j’avais pris l’habitude de passer mes après-midi auprès de Susanne. On s’était connus chez Ester, une connaissance commune, lors d’un de ses diners citadins et ennuyeux où tout le monde cherche à impressionner tout le monde.
Susanne, un peu à l’écart, a tout de suite attiré mon regard. Elle semblait beaucoup plus intéressée par une coupure de presse parlant de la sortie des livres du mois que par la soirée un peu bruyante et embellie par des sourires de circonstance indispensables dans des soirées de ce genre.
-Puis-je vous conseiller L’avenir suspendu de John Peter?…
Susanne a poursuivi sa lecture, comme si elle avait ignoré ma question. J’ai insisté :
-Puis-je vous conseiller…
-J’ai entendu. Je ne suis pas sourde, m’a-t-elle répondu sans lever les yeux de sa coupure de presse.
Je l’ai regardée fixement quelques instants avant de tourner le dos.
-Et pourquoi je devrais vous écouter?… Vous connaissez quelque chose en livres ou est-ce simplement pour faire la conversation?…
-C’était juste pour faire la conversation. Rien d’autre.
-Sachez que John Peter est mon romancier préféré et croyez-le ou non, je lisais justement la critique de son dernier livre et je ne suis pas d’accord du tout… Vous l’avez lue?…
-Pas vraiment… Vous savez, John Peter, ce n’est qu’un pseudonyme…
-Et alors, vous avez quelque chose contre les pseudonymes?… Cela vous dérange de ne pas savoir son vrai nom?… Et puis, qu’est-ce que cela change?… On juge ce qu’il écrit, pas qui il est… Et c’est mieux ainsi. Au moins on peut lire ses livres sans à priori. On ne sait rien de lui qu’un pseudonyme et c’est tant mieux. Je ne veux rien savoir.
Je lui ai souri. Je ne pouvais faire que cela.
-Je ne vous dirai rien de moi alors.
-Je ne demande rien non plus. Et je ne vous dirai rien de moi non plus, m’a dit Susanne.
Voilà comment nous nous sommes retrouvés condamnés à nous voir régulièrement, sans autre promesse que celle de parler de nos lectures et rien d’autre.
Susanne ne savait rien d’autre de moi que mes opinions littéraires qui semblaient lui plaire. Nous parlions de livres sans jamais nous laisser détourner par tout autre sujet frivole, même si au long des mois nous étions devenus une habitude l’un pour l’autre. D’elle je ne savais pas grand-chose non plus. Qu’elle aimait boire le café froid et qu’elle avait une insatiable passion pour la lecture et les longs passages des livres de «son» John Peter qu’elle aimait me lire à voix haute sans s’épuiser.
J’avoue que je l’écoutais fasciné.
Une fois, je lui ai dit que John Peter serait fier et très heureux de la vie et de l’enthousiasme qu’elle donnait à ses écrits.
-Vous n’êtes qu’un flatteur… Vous ne savez rien du tout, m’a-t-elle lancé en retour.
Je me souviens que j’ai rougi. Je me souviens qu’elle a éclaté de rire. Ça avait été le plus bel éclat de rire que j’avais entendu de toute mon existence.
Cet après-midi-là, elle m’avait lu un long passage de L’avenir suspendu. De John Peter, évidemment. Puis elle a reposé son livre et, comme à son habitude, a laissé son regard rêvasser dans un long silence.
Timidement je lui ai dit que le lendemain, au Club Littéraire de la Plume Bleue, John Peter allait présenter son prochain et dernier livre. Le journal disait qu’il était amoureux et qu’il avait décidé d’abandonner son pseudonyme pour celle qu’il aime.
-Vous y serez ?…
Elle a esquissé un sourire triste.
Je voudrais tellement l’entendre dire oui. Il est temps qu’on se rencontre…
Comment by Armando — 8 mai 2010 @ 15:04
Premières douceurs des jours. Le printemps dépose enfin sa lumière dans la province de Sienne et les vignobles du Chianti se parent d’un vert tendre. Le demeure familiale ouvre en grand ses portes et ses fenêtres, comme pour se nourrir de ce souffle si doux, suave, cet air qui charrie les parfums du lilas et qui dépose des secrets murmurés … Le printemps parle aux âmes, il ouvre les yeux et les cœurs, ceux là même qui titubent un peu devant cette éclatante invitation ! Enrica sait le pouvoir du printemps. Elle a attendu, dans l’hiver, elle a attendu, intensément. Et voilà que le jour offre sa bouffée de bonheur : il suffit de la note rosée et parfumée sur le seuil de fenêtre. Il suffit de la présence rassurante de Carlo, absorbé par son journal. Il suffit de savoir sa main puissante et si douce posée sur le fer forgé du balcon … cette main prête à lui offrir son soutien … il suffit de voir la composition savamment désordonnée des livres empilés près du volet. La vigne vierge grimpe en arabesques jusqu’à eux, chemin végétal pour quelque lézard curieux. Les ramures vibrent sous le chant du soleil, Enrica suit un papillon qui s’aventure dans le salon. Le temps se fige. La poésie envahit l’espace. Carlo tout à l’heure lui parlera de ses inquiétudes économiques et elle n’aura qu’à toucher les perles rubis de son collier pour retrouver la douceur gravée sur son cœur …
Comment by Chris — 9 mai 2010 @ 7:58
Quel plaisir de découvrir vos mots, je n’ai pas participer cette semaine puisque j’étais absente. La toile vous a soufflé une note de romantisme et de légèreté ! Et comme c’est bon !
Comment by Lautreje — 11 mai 2010 @ 6:07