Lali

2 août 2009

En vos mots 121

Filed under: Couleurs et textures,En vos mots — Lali @ 8:00

tivens-debra-1.jpg

Que lisait la lectrice de l’artiste Debra Tivens avant de s’endormir? Est-ce au personnage principal du livre qu’elle rêve? Est-ce à autre chose?

Voici pour vous des pistes. Mais celles que vous choisirez d’emprunter peuvent être bien différentes. L’idée est tout simplement d’imaginer une histoire à partir de la toile et de nous l’offrir.

Bien entendu, les commentaires seront comme chaque semaine emmagasinés pour vous être livrés dimanche prochain en même temps qu’une autre toile sera accrochée pour le plaisir des yeux et de vos mots.

Bonne semaine à tous et à dans sept jours pour la suite!

3 commentaires »

  1. Monsieur, monsieur le chef de gare! S’il vous plaît, attendez-moi! Ouf! Pouvez-vous me dire si le train pour Florence est déjà parti?
    Pas encore ma p’tite dame, il arrivera sur le quai N° 4 dans trois minutes. Bon voyage.

    Oh merci infiniment. J’ai tellement couru que je suis encore toute essoufflée. Mais bon, je suis sur le bon quai et mon train va arriver.

    Cette fois-ci, il ne faut pas que je me trompe de wagon comme l’an passé. Je me rappelle très bien. A Domodossola, ils ont séparé le train, une partie se dirigeait à Florence et l’autre partie, dans laquelle je me trouvais, avait pour destination Zürich. C’était le cauchemar. Lorsque le contrôleur m’avait demandé mon billet, il m’a regardé très étonné. L’expression de son visage était peinée pour moi. Je lui ai dit, mais que ce passe t-il? Ce qu’il se passe…? Eh bien, vous n’allez plus à Florence mais à Zürich et il n’y a pas d’arrêt avant Zürich.

    Je suis désolé ma jolie dame. Vous auriez dû bien regarder les noms des destinations sur les wagons. A Zürich, il vous faudra prendre un autre train direct pour Florence.

    Je me souviens comme j’étais triste d’autant plus que je savais que mon amoureux m’attendait sur le quai de la gare à Florence.

    Enfin, tout cela est du passé et maintenant je suis bien installée dans le bon wagon en partance pour Florence. Ah! Cette ville si chère à mon cœur. La ville de nos amours. Dans quelques heures je serais arrivée. Simon m’emmènera dans un bon restaurant et les vacances pourront commencer. Nous parlerons bien sûr de notre mariage, de la ville où nous résiderons. Si Simon souhaite rester à Florence pour son emploi, je suis d’accord. C’est une ville merveilleuse et pour moi, il n’y a aucun problème puisque je donne des cours de violoncelle.
    Que ce soit en France ou en Italie, je m’adapte très facilement.
    L’appartement de Simon est assez grand pour avoir une pièce de musique afin que je puisse donner mes cours. Nous discuterons de tout cela.

    Je vais lire un moment, le temps passera plus vite. Assise en face d’elle, Charlotte remarque qu’une dame essaye de lire le titre. N’y arrivant pas, elle lui dit? Puis-je vous demander ce que vous lisez? Bien entendu, madame. Je lis le train bleu d’Agatha Christie et Charlotte eu droit à un sourire.

    Charlotte profite encore un moment de voir défiler le paysage, les villes. Sa joie est à son comble.

    Tout à coup, elle entend…Terminus, tout le monde descend et au même moment le gong d’une cloche retentit. C’était la cloche de l’église d’en face qui sonnait les sept coups du matin…

    Oh la, la…mais que m’est-il arrivé? Ah mais bien sûr…Hier soir, j’étais tellement fatiguée, morte, que j’ai pris un drap sur mes épaules. Je crois bien que j’ai commencé à lire et je me suis blottie dans les bras de Morphée sans m’en rendre compte. Je n’ai même pas mangé ma pomme.

    Par contre, j’ai fait un rêve merveilleux…Et qui sait…

    « Il faut faire de la vie un rêve et faire d’un rêve une réalité » de Pierre Curie.

    Comment by Denise — 8 août 2009 @ 11:51

  2. J’avais prévu d’arriver pour diner. J’avais envie d’arriver pour diner. Trois jours hors de la maison gaspillés dans cette foutue réunion de merde avec le plus bel échantillon de crétins que j’avais vu depuis longtemps.

    Marc avait eu sa crise une fois de plus. Chaque fois, j’écoute les mêmes rengaines, les mêmes pleurnicheries.
    Le père que l’a abandonné. La mère qui ne l’a pas suffisant chéri ou aimé. Je ne sais plus. Et je m’en fous. Vraiment. Mais quand va-t-il prendre ses responsabilités et arrêter de jouer au petit attardé que personne n’aime, pour se rendre intéressant et attirer l’attention sur lui? En vouloir à la moitié de la terre avec trente ans de retard, comme un ado qui n’arrête pas de faire sa crise d’acné…
    Mon Dieu que s’est-il passé il y a trente ans?… Personne n’en sait rien. Personne ne devrait juger. Marc m’emmerde alors que les autres lui donnent raison. Pauvre Marc. Ce n’est pas facile pour lui. Alors ses humeurs en dents de scie devraient être compréhensibles et l’exempter de tout sens de ses responsabilités d’adulte.
    Je devrais comprendre. A croire que le malheur nous donne de points de bonus à faire valoir plus tard. Pour excuser l’irresponsabilité de nos actes.

    J’étais heureux de me trouver dans la rue, même s’il tombait une pluie fine, mais abondante. J’ai regardé ma montre. Cinq heures. Dans trois heures je serais à la maison. Mon Dieu que j’avais envie d’être à la maison et de profiter d’un diner en tête a tête avec quelqu’un de tendre, de malicieux et d’intelligent. Paula. Je savais qu’elle allait me parler du dernier livre qu’elle avait lu. Quel dépaysement quand elle me raconte ses lectures en mimant les personnages. Que le bonheur peut être simple.

    Je crois que j’ai souri comme un homme heureux en évoquant la scène dans ma tête. D’ailleurs tout le monde m’envie. Les apparences sans doute. Je ne raconte rien de ma vie, mais tout le monde est certain qu’elle n’est qu’une douce rivière. Et pourquoi pas?… Si cela leur plait de le croire… Ils peuvent bien tous croire ce qu’ils veulent. Les croyances n’ont jamais rien changé aux réalités des choses.

    Depuis quelques instants, le trafic était arrêté sur le pont Vasco da Gama. J’entendais des sirènes et deux ambulances ont passé à toute vitesse sur la bande d’arrêt d’urgence. J’ai branché la radio et, presque tout de suite, on a mentionné un grave accident. Sur le pont. Plus loin. Il y aurait des blessés et deux morts. J’ai compris qu’on allait être retenus quelque peu. Le temps de tout évacuer et de tout nettoyer. Aucune possibilité d’y échapper : j’étais déjà trop engagé sur le pont. Tant pis.
    J’ai fouillé dans la boîte à gants et j’ai pris un livre, sans être étonné d’en trouver un là. Paula. Bien sûr.

    La petite fille de Monsieur Linh. Comme à mon habitude j’ai ouvert au hasard et j’ai commencé à lire : «… Il n’a jamais faim. Il serait seul, il ne mangerait pas. … »

    -Monsieur, Monsieur. Quelqu’un frappait à ma vitre.
    -Vous voulez?…
    -Excusez-moi Monsieur, mais je dois aller à Troia, et on m’a tout volé. Mon sac. Tout. Je ne sais pas comment m’y rendre. Vous ne pouvez pas ?…
    -Et vous voulez aller où?…
    -À Troia. Je vous l’ai déjà dit…
    -Je pourrais vous laisser au croisement qui mène à Troia, parce que je descends plus bas. Montez.
    -Oh merci… Je vous rembourserai, vous savez…
    -Non, non, ce n’est pas important.
    -Si, si… Vous me donnerez vos coordonnées et je vous rembourserai.
    -Ne vous inquiétez pas avec ça. Priez plutôt pour que nous partions d’ici au plus vite. Il commence à faire nuit.
    -Quelle journée, Monsieur… Je devais me présenter à l’hôpital et, comme je n’aime pas conduire, j’ai pris le train, puis, comme la consultation n’était qu’à trois heures, j’ai fait le tour des boutiques et ce n’est que l’après-midi, lorsque que je suis passée à la banque pour prendre quelque argent, que j’ai été attaquée par deux voyous, en pleine rue. Ils m’ont pris le sac et sont parti en courant. Personne n’a bougé. C’est comme ça de nos jours….
    -Vous avez déclaré le vol à la police?…
    -Oui, mais elle dit qu’elle ne peut rien faire… alors…

    Les voitures commençaient à bouger un peu. Lentement. Il fallait que tout le monde se rabatte sur la gauche où on avait ouvert une voie de passage. On roulait lentement, mais on roulait…

    -Vous avez faim, madame?…
    -Non, merci, c’est vraiment gentil.
    -Vous avez mangé quoi de toute la journée?…
    -Avec tout ce qui m’est arrivé je n’ai rien mangé, mais je n’ai pas faim.
    -Eh ben, moi oui… Alors si ça ne vous dérange pas, on va s’arrêter dans la station après le pont et on mangera un morceau. Vous me faites ce plaisir-là, non?… Je déteste manger tout seul.

    Elle s’appelait Luisa. Comme ma mère. Elle m’a fixé longtemps avec un sourire. Dans sa jeunesse elle avait dû être une très belle femme.

    -Vous me rappelez mon fils.
    -Ah, merci. Je le prends comme un compliment. Il fait quoi votre fils?…
    -Je ne sais pas vraiment, mais je sais qu’il a un bon salaire.
    -Comment, vous ne le savez pas?… Il est du genre cachotier? lui ai-je lancé en me moquant un peu.
    -Non, mais c’est que… ça fait longtemps que je ne l’ai pas vu.
    -Oh, excusez-moi. Je suis désolé.
    -Non, ce n’est pas grave… C’est la vie. Un jour tout s’arrangera.
    -Mais, votre fils… Vous l’avez perdu de vue. Vous vous êtes fâchés?…
    -Non. Jamais je ne me fâcherais avec mon fils.
    -Une femme, peut-être?…

    Luisa m’a souri.
    -Je suis sûr qu’il a une belle femme, mais ce n’est pas ça.
    -Que diable… C’est une énigme?…

    Luisa m’a regardé en silence, puis, d’une voix frêle m’a dit :« Est-ce que ça vous ennuie d’y aller ?… Je ne voudrais pas rentrer trop tard… »

    Nous avons roulé une bonne demi-heure sans dire mot. Il faisait nuit. Et Paula devait m’attendre, habituée qu’elle était à mes largesses d’horaire. Le diner serait pour plus tard.

    -Je l’ai abandonné.
    -Pardon?… Mon fils, je l’ai abandonné.

    On aurait dit qu’une rivière glacée venait de me parcourir le dos… Je suis resté muet, sans arriver à prononcer un seul mot, les yeux collés à la route… J’ai senti mes jambes trembler et mon cœur battre plus fort.

    -Comment ça, vous l’avez abandonné ?…
    -Je me pose inlassablement cette même question. Comment ça?… Mais je l’ai fait. Ou mieux, on m’a obligé à le faire. J’étais jeune, sans ressources ni famille….

    On aurait dit que Luisa avait décidé de mettre en ordre ses souvenirs. Elle n’arrêtait pas de parler. De raconter sa vie. Sa déchéance. Les hommes qui l’ont croisée sans l’aimer et qu’elle a aimés pour se nourrir. Et toujours dans sa tête ce fils qu’elle n’a jamais vu grandir et dont l’absence devenait comme une punition pour elle. Ses mots étaient dignes. Son histoire déchirante.

    -Mon fils s’appelle Francisco….
    -Comment?… Francisco?… Vous êtes certaine?…
    -Comment, si je suis certaine?… C’est quand même mon fils… Voilà, c’est ici le croisement.
    -Nous ne sommes qu’à dix kilomètres, je vais faire un détour et vous laisser à la maison. Ça vaudra mieux. Ce n’est pas bien grave…
    -Oh merci, vous êtes gentil. Vraiment. Vous vous appelez comment?
    – Moi?… Ma… non, Carlos… J’ai la tête ailleurs…
    -Joli nom, Carlos…

    Après quelques minutes de silence, Luisa a dit : « C’est là… la maison rose… avec les plantes aux fenêtres…
    -Voilà Madame, vous y êtes.
    -Attendez… svp attendez deux secondes.

    Un petit bonhomme maigrichon est venu l’attendre sur le pas de la porte. Ils ont échangé quelques mots, elle est entrée dans la maison et en est sortie après quelques secondes.

    -Tenez Carlos… C’est ma carte de visite. Cela me ferait plaisir que vous me donniez de vos nouvelles. Vraiment. Promettez-le-moi.
    -Promis. Juré. Je le ferai… Maintenant j’y vais. On se fait la bise?

    Je ne sais pas pourquoi, mais sa peau m’a semblé avoir un parfum familier. Qui donc portait ce parfum?… Sur le coup, personne ne m’est venu à l’esprit. Mais le parfum… ce parfum…

    La route défilait et j’entendais toujours sa voix… Son récit… Sa vie… Sa souffrance… Et si?… Non, c’était stupide… Fallait même pas qui j’y pense… Carlos… Franchement, pourquoi j’ai dit que je m’appelais Carlos…

    Paula dormait sur le fauteuil quand je suis arrivé, un livre entre les mains. Rien d’étonnant.

    Je lui ai caressé tendrement le visage. Elle a ouvert les yeux et m’a souri. Comme une ange.
    -Tout va bien ?…
    -Oui, maintenant que je suis près de toi, tout va bien.
    -… mais tu as pleuré, Francisco…
    -Non, Paula…
    -Tes yeux… sont si rouges… on dirait que…
    -… tu crois ?…
    -Comment ça, je crois ?…
    -Écoute-moi Paula… Cette fois-ci c’est moi qui ai une histoire à te raconter…

    Comment by Armando — 9 août 2009 @ 6:58

  3. Helena n’a pas envie de dormir ce soir.
    Ou peut-être, plus exactement – elle sent l’angoisse, là, dans son coeur – elle n’a pas envie de se coucher, ce qui n’est pas tout à fait la même chose…
    A l’instant où son regard se pose sur le fauteuil, dans l’angle solitaire, elle comprend que c’est ici que sa soirée – sa nuit? – va se passer. Ici, à l’abri, en compagnie d’un livre et d’une enfant qui ne parle pas.

    Helena se lève de son bureau.
    Elle saisit au passage une couverture légère pour se protéger les bras et les jambes. Avoir chaud – se dit-elle – se faire du bien, oui, penser à se faire du bien, c’est important ça aussi, et il serait temps de le comprendre… Maintenant, un thé se voit-elle machinalement préparer dans la cuisine… Du thé? Oh! mais elle en a bu toute la journée! Du vert, du bleu-vert, du noir, du fumé, du parfumé… Non, plutôt quelque chose à manger. Elle grignote alors une poignée d’amandes avant d’emporter une jolie pomme : elle n’est pas rouge comme celle de Blanche-Neige, mais elle fera l’affaire.

    Helena lit. La maman de l’enfant qui ne parle pas s’occupe des oiseaux.
    Il fait si bon ce soir qu’elle n’éprouve pas le besoin de se couvrir… juste les épaules et les pieds – elle a toujours froid aux pieds!
    Seule et tranquille, Helena lit. On entend aussi la mer dans ce livre, la mer et ses secrets. Elle lit et elle pleure. Elle se sent étrangement apaisée. Oui, elle se sent bien. Si bien que le sommeil lui abaisse les paupières : c’est à peine si elle s’en rend compte…

    Elle a juste eu le réflexe de retourner le livre – Leur Histoire de Dominique Mainard – sur ses cuisses… Avant que les images des mots ne se fondent à ceux des rêves.
    Passage en douceur d’un monde à l’autre.
    Helena a fini par rejoindre la nuit qu’elle redoutait…

    Comment by macile — 17 juin 2010 @ 10:21

Flux RSS des commentaires de cet article. TrackBack URI

Laisser un commentaire