En vos mots 118
Les papillons se sont-ils véritablement échappés du livre de la lectrice peinte par Mary Jane Ansell ou les a-t-elle simplement rêvés? À vous de voir quel angle vous voulez donner à la toile de ce dimanche. À vous de décider ce que vous voulez en faire. Un poème. Une nouvelle. Il n’y a pas de règles. Sinon celle de raconter en vos mots ce que la toile vous inspire.
Et comme toujours, elle restera là toute la semaine, le temps que vous puissiez l’examiner à loisir sans vous laisser influencer par les écrits des autres, puisque tous les commentaires seront validés dimanche prochain en bloc alors qu’une autre toile s’offrira à votre imagination.
Bon dimanche et que les mots soient au rendez-vous!
Voilà bientôt une heure de temps qu’Anaïs est devant son livre. Mais elle ne lit plus. Elle s’est échappée tout doucement de ces pages pour rejoindre les grands champs fleuris.
Il y a des fleurs de toutes les couleurs qui dégagent un doux parfum. Anaïs se souvient lorsque son grand-père la prenait par la main et lui disait, viens petite, je vais te montrer des merveilles.
La petite ne se faisait pas prier car une promenade avec son grand-père était toujours un enchantement. Vois-tu ma chérie, sur cette fleur, il y a un très beau papillon. Et le grand-père François parlait tout bas pour ne pas effrayer le papillon. Il connaissait la sorte de papillon et expliquait aussi à sa petite-fille la naissance et la métamorphose d’un papillon.
La petite restait sans voix. Ses yeux émerveillés regardaient cette beauté.
Grand-père ! Chuchotait la petite, comme il est beau, il a des points blancs sur ses ailes. Le grand-père François était aux anges.
De sa main un peu ridée par l’âge, il caressa les cheveux d’Anaïs. La petite lui apportait sa jeunesse, sa fraîcheur, sa joie et François y mettait tout son coeur pour éveiller la curiosité d’Anaïs en lui faisant découvrir la nature.
Revenue de sa petite escapade en rêve, Anaïs se rappelle que son grand-père lui a offert un joli filet pour attraper les papillons.
Elle coure à la cave pour le prendre et décide d’aller toute seule voir les papillons et d’essayer d’en attraper un ou deux afin que son grand-père puisse les voir maintenant qu’il est dans son fauteuil et ne peut plus marcher comme avant.
Grand-père, grand-père, regarde mon filet, j’ai attrapé trois papillons et bien entendu, il prendra le filet très délicatement et regardera très attentivement les trois espèces.
Il sera en mesure d’expliquer à la petite de qu’elles espèces il s’agit et comme au temps où il pouvait encore bien marcher, tous les deux se regarderont, Anaïs ouvrira la fenêtre et diront ensemble…un, deux, trois et laisseront la liberté aux papillons qui s’envoleront à nouveau rejoindre les fleurs…
A chaque fois qu’Anaïs passe devant le bureau de son grand-père, elle voit cette jolie citation de Robert Lalonde qui est encadrée dans un cadre en forme de papillon…
« Le bonheur est comme un papillon : il vole sans jamais regarder en arrière. »
Comment by Denise — 14 juillet 2009 @ 9:00
Qu’elle peut être étrange la vie parfois.
Je m’étais éloigné du monde pour vivre dans une banlieue de la grande ville, aussi rangée que tranquille, pour ne pas dire monotone. J’habitais au troisième étage de la petite maison couleur crème à boiseries bleues, qui faisait coin avec le seul square de ce bled perdu. C’était drôle. On aurait dit que les gens avaient peur de manquer la porte d’entrée.
Mon domaine, comme je l’appelais, n’était pas immense mais il était suffisant pour moi. J’avais deux chambres. Une avec un lit pour deux personnes et puis une autre où j’entassais mes bouquins en me disant qu’un jour je ferais des étagères de rangement. Puis j’avais une petite cuisine confortable sous forme de kitchenette et un beau et spacieux living, avec deux grandes fenêtres qui donnaient sur la place et desquelles je pouvais apercevoir un morceau du parc. C’était ma pièce de vie. J’y avais installé mon ordinateur et c’était là que je passais la plupart de mon temps. Je me laissais quelquefois endormir dans le canapé par la télévision. Mais je ne me plaignais pas. J’étais libre. Je ne rendais de comptes à personne. Je mangeais à mes heures, je faisais ce que je voulais quand je voulais. Et à vrai dire, je m’étais habitué à parler peu, de telle sorte qu’il m’arrivait de me demander comment j’avais pu passer tant de temps dans le monde et être si bavard.
Je sortais souvent à l’aube prendre des photographies que je vendais par la suite à des revues, à des éditeurs de cartes postales et, quelquefois même pour des panneaux publicitaires. Ce qu’il y avait de bien dans cette activité est que je n’avais besoin de personne. J’étais mon propre employé et mon propre patron. Je faisais parvenir mes clichés à mes contacts et puis le marché de l’offre et de la demande faisait le reste. Je ne me plaignais pas. Je gagnais correctement mon existence. Et puis, j’avais mes habitudes dans les magasins du coin. J’adorais la vieille Marta l’épicière et sa façon de toujours me regarder d’un air intrigué, Monsieur Paul, le marchand de journaux, où je pouvais passer une heure à feuilleter les revues pour voir la place qu’on avait donnée à mes photos, et puis la fromagerie où Élodie m’accueillait toujours avec un sourire sain et enchanteur.
-Je vous ai vu ce matin, de la fenêtre de la chambre de ma fille. Vous étiez couché, au milieu de la rue à faire de photos…
Je lui souriais en guise de réponse. Quelquefois je lui faisais un clin d’œil souriant et cela la faisait rire. Mais je ne voulais pas me laisser entraîner dans une conversation aussi agréable et légère soit-elle. Je faisais tout pour défendre ma solitude tranquille.
Je savais que les gens finissent toujours pour être d’une complication dérangeante. Ils veulent toujours avoir une opinion sur comment vous êtes. Comment vous vous habillez. Ce que vous faites. D’où vous venez. J’étais fatigué. J’avais passé une bonne partie de ma vie à rendre des comptes et à m’expliquer. Je m’étais promis que plus jamais je ne m’attarderais sur quiconque. Ma solitude était mon seul bonheur. Ma richesse et ma maîtresse. Et j’étais heureux…
Il devrait être minuit passé quand soudain j’entendis cogner furieusement à ma porte. C’est qui cette espèce de fou dingue qui cogne comme ça à une heure tardive chez les gens?
-J’arrive… J’arrive, bordel de merde. Arrêtez de cogner….
C’était mon Élodie. En larmes. Tremblante comme une feuille d’arbre lors d’un orage.
-Puis-je vous demander un service?… Pouvez-vous garder ma fille, pendant que je vais voir ma mère qui est à l’autre bout de la ville?
-À cette heure?
-Oui, elle se meurt… une voisine vient de m’appeler. Je ne veux pas qu’elle assiste à ça…
J’ai baissé les yeux. Un visage rond de fille me regardait, inquiet, sans dire un mot. Merde. Faire du baby-sitting. Merde, merde, merde…
-Vous ne connaissez pas quelqu’un d’autre ?… Je vis seul… Je ne suis pas très adroit avec les enfants… Et puis elle n’est pas habituée à moi…
-Je vous en prie… Elle vous aime bien. Et puis moi aussi. Vous êtes si gentil et si discret. Et puis vous m’inspirez confiance.
J’ai encore regardé la fille qui me dévisageait angoissée, comme si elle avait peur que je refuse de la garder.
-Bon, ça va… mais je ne garantis pas que…
-Oh c’est merveilleux…. Merci, merci… Je savais que vous étiez quelqu’un de bien… Et toi, Amélie ne fais pas de bêtises…
Je crois qu’elle est partie sans même embrasser sa fille.
-Amélie, c’est donc ton nom…
-Oui, monsieur.
-Appelle-moi Robert… Tu as faim, Amélie?
-Non.
-Sommeil, peut-être… Tu dois être terriblement fatiguée… avec tout ce que tu viens de vivre.
-Un peu.
-Viens je vais te montrer ton lit, d’accord ?
-D’accord, m’a dit Amélie avec une voix si douce que celle-ci s’est propagée comme une brise de fraîcheur partout dans la maison. Elle a lavé ses dents avec application et puis s’est mise sagement au lit.
-Je peux éteindre?…
-Et mon histoire?…
-Pardon Amélie?… Quelle histoire?…
-Maman me raconte toujours une histoire pour m’endormir, sinon je n’y arrive pas….
-Mais je ne connais pas d’histoire, Amélie… Aujourd’hui tu t’endormiras sans…
-Je n’y arriverai pas…. Toutes les grandes personnes connaissent des histoires… Tu ne veux pas m’en raconter, c’est ça?…
-Mais non, Amélie, mais non… Attends voir, je vais trouver quelque chose… mais je n’ai pas l’habitude tu sais… sois un peu patiente avec moi. Tiens. Voilà…« Il était une fois dans le pays des rêves une petite fille qui vivait avec sa maman et qui n’avait jamais vu de papillons… »
-Moi je n’ai jamais vu de papillons, tu sais…
-Ah bon… comme la petite fille de mon histoire alors…
-Tu as déjà vu des papillons, toi ?…
-Bien sûr Amélie, bien sûr, que j’ai vu plein de papillons, de toutes les couleurs et de toutes les tailles. Des grands, des petits, Plein, j’en ai déjà vu plein, plein, plein…
-Waouh!!! s’est-elle exclamé avec un sourire rêveur, avant que je poursuive «… et un jour lorsqu’elle était seule avec son livre d’histoires, elle a vu, dans un coin d’une page des papillons joliment colorés. Alors elle a fait un vœu… »
Amélie s’était endormie avant que je termine ma phrase. Paisiblement. La pauvre devrait être épuisée. J’ai éteint la lumière et j’ai regardé Amélie dormir. La lumière de la lune caressait son doux visage. Je suis resté assis dans le fauteuil à côté de la porte, captif de cette merveilleuse et paisible image.
Je ne sais pas combien de temps je suis resté là. L’image d’une fille dormant paisiblement chez moi, un presque inconnu, me bouleversait. Je me rendais soudain compte que je n’avais jamais vu, auparavant, de petite fille dormir. Ni été le gardien des rêves d’une petite fille, heureuse de savoir qu’on veille sur son sommeil. Je me rendais compte que je n’avais jamais vécu l’essentiel des choses humaines.
Je me suis réveillé en sursaut. Je m’étais endormi assis dans le fauteuil sans m’en rendre compte. Dehors, un magnifique lever du jour s’annonçait. Il m’est venu l’envie de prendre mon appareil photo et de partir guetter ce lever du jour aux couleurs rares et capricieuses, que j’attendais depuis longtemps. Un lever de soleil comme celui-là trouverait aisément preneur à un prix très alléchant. Il ne fallait pas que je perde de temps… Un doux gémissement enfantin m’a ramené à Amélie. C’est vrai. Amélie. La petite Amélie. J’ai souri en la regardant dormir pendant que la lumière rose et tendre du nouveau jour éclairait son visage. Un visage d’ange paisible. Comme on peut voir dans les toiles des grands maîtres, comme Raphael.
Je me suis rappelé alors que j’avais fait un rêve étrange d’une petite fille qui lisait alors que des papillons s’envolaient de son livre. Je n’avais pas distingué son visage. Mais ça devrait être celui d’Amélie. Sûrement.
Que peut bien manger une petite fille le matin?… Je m’apprêtais à préparer un petit déjeuner pour quelqu’un d’autre que pour moi.
-Bonjour Robert.
-Ah, bonjour Amélie, déjà debout?… alors, tu as bien dormi?…
Amélie m’a répondu avec le plus jolie sourire que je me souviens avoir vu de toute mon existence.
-Je t’ai préparé du lait et des corn flakes au miel… ça te va?
-Oui, chouette, j’adore le miel…
-Tu sais un truc, Amélie… Je me suis dit qu’après on pourrait aller tous les deux faire un tour au parc. Je vais te faire voir des papillons.
Amélie a entouré mon cou de ses bras et m’a fait une bise.
-Je suis trop contente, qu’elle a dit, avec cette voix si douce qui brise le cœur le plus solitaire et endurci par l’existence.
Je l’ai regardée et j’ai compris que ma vie, désormais, ne serait plus jamais la même.
Comment by Armando — 17 juillet 2009 @ 8:33
Les mots papillons du poète
P oème
A mour
P ensée
I maginaire
L iberté
L’espoir
o de
N uage
S ilence
Comment by chantal — 18 juillet 2009 @ 18:06
C’est magnifique Chantal. Du grand art.
Et puis j’aime bien la citation de Lalonde. Merci Denise.
Comment by Armando — 19 juillet 2009 @ 11:18
Merci à toi Armando pour ta jolie histoire très touchante.
Chantal, j’aime beaucoup « Les mots papillons du poète ».
Bises à tous deux!
Comment by Denise — 19 juillet 2009 @ 12:11
Merci à Armando et Denise, tout d’abord pour vos » En vos mots » toujours aussi captivants à la lecture… et remplis de sensibilité, de tendresse! Ensuite, je suis très touchée par vos encouragements! Merci, j’ai fait si peu!
Comment by Chantal — 19 juillet 2009 @ 22:26