Elle qui ne vit que de vivre
Depuis trois mois qu’elle tourne les pages, qu’elle s’arrête à un poème, à une strophe, à quelques mots. Inlassablement.
Elle sait depuis le premier jour que Le Gardeur de troupeaux de Fernando Pessoa ne la quittera jamais, qu’il sera toujours là, dans son sac, sur sa table de chevet, sur le sofa. Toujours près d’elle. Parce que tellement de mots qui la font réfléchir. Tant d’autres qui la font sourire. Comme si elle se reconnaissait dans les questions. Comme si ces petits détails de l’existence exprimés par le grand poète la révélaient à elle et que la lectrice de Martha O. Carmody saisissait ce qu’elle avait toujours su :
Oui, même moi, qui ne vis que de vivre,
invisibles, viennent me rejoindre les mensonges des hommes,
devant les choses,
devant les choses qui se contentent d’exister.
Qu’il est difficile d’être soi et de ne voir que le visible!