Un dimanche en Provence 5
Si la barbe donnait la science ou si la barbe blanche faisait le sage, les chèvres seraient toutes docteurs.
Marie Mauron, Dictons d’Oc et proverbes de Provence
Si la barbe donnait la science ou si la barbe blanche faisait le sage, les chèvres seraient toutes docteurs.
Marie Mauron, Dictons d’Oc et proverbes de Provence
C’est chaque dimanche un défi que celui de vous offrir une scène livresque qui n’a rien à voir avec celles qui vous ont été présentées depuis bientôt cinq ans. Une scène qui se démarque et qui puisse susciter une histoire. Tel est l’ambitieux projet d’En vos mots, auquel chacun participe selon son inspiration et son rythme, puisqu’il est ouvert à tous, sans contrainte de genre.
C’est à l’illustrateur Charles Gates Sheldon que j’ai fait appel ce dimanche, dans les archives de qui j’ai trouvé une lectrice bien hivernale qui devrait, je l’espère, inspirer quelques textes que je validerai le matin de Noël. En effet, afin que chacun se sente libre de s’exprimer sans connaître la nature des textes déposés, ceux-ci sont emmagasinés jusqu’à l’accrochage suivant.
D’ici là, bons derniers achats des fêtes!
L’avocat vit du droit comme du tort.
Marie Mauron, Dictons d’Oc et proverbes de Provence
*toile de William Hogarth
L’espérance est comme le lait : gardée longtemps elle aigrit.
Marie Mauron, Dictons d’Oc et proverbes de Provence
*toile de Ferdinand Hodler
Ce n’est pas quand l’oiseau est parti qu’il faut fermer la cage.
Marie Mauron, Dictons d’Oc et proverbes de Provence
*toile de Noël Hallé
Quand la lectrice du peintre espagnol Adolfo Guiard est rentrée de la bibliothèque avec Dictons d’Oc et proverbes de Provence, une chose lui a semblé évidente. Il fallait consacrer un dimanche à ce livre et en lire des extraits à voix haute. Pour l’acceng, il va sans dire.
Lecteurs lisant pour quelqu’un d’autre ou plusieurs autres se réuniront donc en ce dimanche afin de faire vivre dictons et proverbes de Provence en commençant par celui-ci : Qui va seul n’est pas en mauvaise compagnie.
C’est un recueil du poète belge Georges Rodenbach que la lectrice peinte par l’artiste lisboète Maria Inês Ribeiro da Fonseca a choisi parmi tous ceux étalés sur la table. Un recueil intitulé Le règne du silence que les éditions Le Cri ont eu la bonne idée de rééditer en 1996. Un recueil de l’auteur surtout connu pour son roman Bruges-la-morte, dont elle a tiré ces vers :
Quand le soir est tombé dans la chambre quiète
Mélancoliquement, seul le lustre émiette
Son bruit d’incontenté dans le silence clos.
Lustre toujours vibrant comme un arbre d’échos,
Lustre aux calices fins en verre de Venise
Où la douleur de la poussière s’éternise,
Mais en gémissements qu’à peine on remarqua,
Grêles comme un chagrin lointain d’harmonica.
C’est une panoplie aux cliquetis de verre
Où l’on entend le bruit blessé qui persévère;
C’est un grand reliquaire à l’aspect végétal
Où d’invisibles pleurs, captifs dans le cristal,
Roulent en sons mouillés parmi les pendeloques.
Lustre, fontaine blanche aux givres équivoques;
Lustre, jet d’eau gelé, mais où l’eau souffre encor…
Ce lustre, c’est mon cœur visible en ce décor
Qui frissonne en sourdine et sans cesse s’afflige,
Jet d’eau fleurdelisé dont la plainte se fige!
Tant d’histoires à raconter et si peu de temps pour le faire. Lesquelles choisir? À quels personnages donner la voix? Auxquels demander de sa taire? Quelles scènes relater? Comment leur conserver leur couleur initiale? Comment ne pas les affadir? Comment ne pas trop en faire?
Faut-il parler de cet échange de sourires entre elle et une gamine de deux ans dans un autobus bondé comme si elles avaient été seules au monde? De celui qui a du mal à se déplier et que sa dulcinée regarde aussi amoureusement que s’il venait de faire un 8 sur la glace juste pour elle? De cet adolescent qui, en courant, est tombé empêtré dans son jean décidément porté bien bas? De cet air qui traverse votre esprit et qui ne vous quitte plus de la journée?
Tant d’histoires à raconter. Mais d’abord : à vivre.
*toile de Leonid Shilov
Bien sûr que vous avez 24 heures devant vous avant la validation de vos textes qui donneront vie à la toile qui vous a été offerte dimanche dernier. Bien sûr. Mais les journées passant vite, si vous suiviez sans tarder l’exemple du personnage peint par Andrea Casali?
le désert
sans toi
ne serait que sable
la poésie
ne serait que désert
et l’amour
oh l’amour
il a tellement besoin de toi
Michel Boutet, Sans doute tu es l’aube
*choix de la lectrice de Georges Prisset