C’est dans le cadre du programme d’études littéraires de l’Université Laval en vue de l’obtention d’une maîtrise que Sarah Bernier a écrit L’incédé, paru au Lézard amoureux, qu’elle résume ainsi dans son mémoire : « L’incédé déroule l’aventure de cette part indiscernable de soi où l’on invente et renouvelle les formes de notre existence. »
En faisant appel à des thèmes (presque) incontournables des poètes de chez nous, comme la création, la langue et l’imaginaire, pour n’en nommer que quelques-uns, Sarah Bernier s’inscrit dans la prolongation de ceux qui l’ont inspirée sans aller au-delà des chemins connus des poètes ou des lecteurs, mais avec sensibilité, intelligence et un regard de biais qui nous offre un angle et une prise sur un réel qui ne nous est pas étranger.
En utilisant une forme éclatée dans la disposition, où les phrases s’éparpillent ou s’agglutinent pour créer une suite d’images et d’impressions, elle emprunte à d’autres une forme qui se fait de plus en plus rare.
le pacte entre les jours
auvent qu’on oublie de fixer
passent éclisses de
lumière
que raflent les étourneaux
idée fixe
galet
tombé sur un
galet
pour quelle gravité nous sommes
nous tus
Cette mise en page est plus dérangeante que justifiée pour le lecteur et n’apporte pas grand-chose au texte, lequel ne devrait pas avoir besoin d’être « décoratif » pour porter sa voix au-delà des mots. Ceci dit, la jeune poète, dans sa démarche impressionniste de dire et de se dire, réussit à insuffler aux mots et aux gestes du quotidien assez de souffle pour qu’on sente toute l’énergie que la création lui apporte.
qu’étais-tu avant la lumière
désir de
la lumière contre le tambourinement de
la nuit
L’incédé marque les premiers pas de Sarah Bernier dans le monde des poètes publiés. En restera-t-elle là ou continuera-t-elle son exploration? Souhaitons qu’elle opte pour cette deuxième proposition, car elle a, à mon avis, une voie toute tracée.
Texte publié dans