Benito le Basque troubadour
Ma curiosité pour tout ce qu’on appelle ethnique, que ce soit cuisine ou musique, me viendrait-elle tout droit de l’enfance, alors que j’ai eu cette chance que l’univers s’ouvre à moi? Tout comme mon amour pour l’Histoire? Au bout de la rue, je goûtais les plats polonais que nous préparait le père de Donna. De l’autre côté de la rue, le père de Guy nous racontait la fuite d’Algérie des Pieds Noirs. On apprenait le français à Louba, une Ukrainienne qui avait bien dix ans de plus que nous. Et il y avait aussi Lina, la belle Italienne, qui s’était mariée à seize ans dans une robe de conte de fées. Et Lilian, la Pakistanaise, qui a fait des études de médecine. Et nous vivions dans cet heureux mélange de cultures, heureux.
Et ça continuait à l’école. Le père de Rosalia avait fui la Hongrie de 1956. Et Soraya, ma meilleure amie, mon inséparable, était une Dominicaine qui vivait à New York, son grand-père ayant quitté l’Espagne de Franco dès son arrivée au pouvoir.
Et je vivais au milieu de ces petites histoires et de la grande. Et je vivais ainsi en goûtant des plats exotiques. Et tout ça était naturel. Je ne pensais pas qu’ailleurs, dans bien d’autres quartiers, moins nouveaux, on vivait autrement, en pointant du doigt l’étranger qui s’était installé là-bas, dans un petit logement, avec ses quatre enfants qui finiraient par mieux parler le français que tous.
À la maison, je dansais sur un disque de musique hawaïenne et je pouvais écouter non stop un disque de musiques du monde qui me ravissait, tandis qu’au cours de gymnastique, on nous apprenait les danses irlandaises. Et qu’à la télé, la pub de Coca-Cola disait : « Si je veux rencontrer à l’autre bout du monde un gars qui va m’emballer, je sais comment le trouver… »
Le monde était là, omniprésent. Je n’avais pas six ans que j’apprenais le nom des pays en même temps qu’à lire et à compter. Le monde était là et il m’attendait.
Plus tard, je verrais des pays. Plus tard, je lirais des écrivains de partout. Plus tard, je ferais le tour du monde en chansons. Curieuse. Immensément curieuse et jamais assouvie.
Si bien qu’il n’y a rien d’étonnant à ce qu’un jour je découvre le Basque Benito Lertxundi. Et que j’aie un véritable coup de foudre. Hitaz Oroit est un album magique dont on ne peut retirer aucune chanson tant l’album fait un tout uniforme, et duquel il est même difficile d’en extraire une qui serait plus représentative que les autres.
Mais si je devais en choisir une, je crois que ce serait Iluna Denerako, une berceuse écrite et composée par Benito Lertxundi qu’il a traduite ainsi :
Une chanson sur mes lèvres,
Vénus vacille dans le ciel,
lorsque tu sombres dans le premier sommeil,
quel secret gardes-tu dans ton for intérieur?
Comme une goutte distillée,
tu es tombé dans cette vallée de la vie;
tu es notre peau
et l’incarnation de nouveaux desseins.
Il y a en moi un refuge
qui t’abritera lorsque la nuit sera tombée.
Tu seras la résine
pour le feu qui inonde nos cœurs.
Benito Lertxundi fera partie de mes incontournables pour toute cette nostalgie et cette douceur qui se dégagent de ses musiques et de ses poésies. Moments magiques. Vraiment.
Quel beau billet! Les magnifiques paroles de Benito Lertxundi font fondre mon coeur.
Comment by Denise — 24 février 2008 @ 5:26