Bancs publics
Des bancs publics, comme autant de lieux de rencontre, de débuts d’histoires qui se tissent et se détissent, au hasard des récits et des contes signés Nicole Houde réunis sous le titre Bancs publics. Ces bancs de la rue Masson, dans le quartier Rosemont, où vit l’écrivaine qui avait, entre autres, signé en 1995 l’émouvant roman Les oiseaux de Saint-John Perse, pour lequel on lui a remis le Prix du Gouverneur général. Ces bancs où elle s’assoie, seule ou avec son petit-fils pour lequel elle invente des histoires, ces bancs où d’autres laissent couler leurs jours, certains sans espoir de lendemains.
Aux personnages peut-être inventés, près d’un réel qu’on peut facilement imaginer tant l’auteure sait installer un décor, se greffent des fées, et même Marx et Darwin dans des contre-emplois irrésistibles servant des contes pleins d’esprit que Paul-Émile, qui n’a que trois ans, ne sera à même de saisir dans leur entièreté que bien plus tard, mais qui font sourire ceux qui vont de récit en conte, en compagnie de celle qui n’a de cesse de regarder ses contemporains afin de nous les raconter. En citant les auteurs qu’elle aime, notamment le poète José Acquelin.
Le tout n’est pas un recueil uniforme et n’entend pas l’être. Il est à l’image des bancs publics où les uns rêvent tandis que d’autres attendent quelqu’un, quelque chose, ou même plus rien. Lieux transitoires pour les uns, presque domiciles pour d’autres. Ils sont là, au cœur même de cette suite de regards proposés par celle qui n’avait qu’une ambition en écrivant ce livre : J’offrirai des prénoms à ceux qui dériveront jusqu’à moi. (p.16)
Et c’est ce qu’elle a fait. Bien, plus que bien, très bien, avec beaucoup de sensibilité. La sensibilité, la tendresse pour ceux qu’elle raconte, ce sont là des traits marquants de l’écriture de Nicole Houde, une écrivaine trop peu lue, hélas, parce que méconnue, celle-ci n’aimant pas les entrevues, surtout pas celles à la télé, comme elle me le rappelait il y a peu. Avec un grand sourire. C’est vrai qu’il y a longtemps, vingt ans environ, elle avait un jour aimé faire de la télé. C’était avec moi, du temps d’une autre vie. Elle m’avait même embrassée en quittant le studio. Émue. Elle qui sait chaque fois m’émouvoir. Avec ses Bancs publics, comme avec tous ses livres.