La lectrice qui est rentrée chez elle
Voilà trois mois, enfin presque trois mois, qu’elle dort chez lui de temps en temps, sans que cela ne perturbe sa petite vie tranquille. Juste parce qu’elle aime bien la chaleur de son ventre contre son dos après l’amour. Mais ce soir, elle a été incapable de rester. Elle a prétexté un rendez-vous très tôt, bien avant leur heure habituelle, pour se rhabiller dans le noir. Et rentrer chez elle.
Ce mensonge parce qu’alors qu’il embrassait son épaule, il lui a suggéré de ne pas toujours tout transporter dans son grand sac et de laisser quelques affaires chez lui. De venir dormir plus souvent avec lui. Qu’il avait envie que ça devienne sérieux entre eux.
C’est là, à cette minute précise, qu’elle a été prise d’un malaise qu’elle a tu.
L’homme vit sans livres. Enfin, pas tout à fait. Il y en a à son bureau, dans une belle armoire vitrée, mais pas chez lui. Et chaque café du matin qu’elle prend là, quand elle n’est plus dans le besoin de fusion, lui fait reprendre ses esprits et souvent partir bien vite. Car elle ressent alors au ventre le manque de livres et qu’elle étouffe.
Et la seule chose que la lectrice de Maud Sherwood laisserait en partant, ce serait des livres, que des livres. Pour qu’elle se sente à l’aise hors de la chambre. Mais il n’y a pas de place pour les ramasse-poussière dans la vie de l’homme qui ne veut plus se contenter de rencontres occasionnelles.
Elle est donc rentrée lire. Et regarder la vie: les étagères remplies de livres et les piles sur la table à café.