Lali

22 juillet 2013

Le 4 avril 1968

Filed under: À livres ouverts — Lali @ 19:04

Stanké publiait il y a tout juste un an Mémoires d’une enfant manquée, le premier roman de Brigitte Pilote, un roman essoufflant mettant en scène une fillette qui n’a rien à envier à Louisiane et Georgia, les deux sœurs de Motel Lorraine, qui vient de paraître.

Memphis, tel est l’endroit désigné par le pendule de Sonia, qui gagne sa vie comme voyante au hasard de motels plus ou moins miteux où elle s’installe quelque temps avec ses filles, Louisiane dite Lou et Georgia, avant de quitter les lieux précipitamment en laissant une ardoise derrière elle. Il en est ainsi depuis ce jour d’avril 1968 où elle a commis l’irréparable. Ce jour-là, elle a offert à Louisiane une petite sœur. Une petite fille qu’elle a volée à sa mère sous les yeux de celle-ci. Non pas pour demander une rançon, mais parce qu’elle avait envie d’avoir un autre enfant. Tout simplement.

Ce même jour d’avril, à des kilomètres de Montréal, Martin Luther King était assassiné au Motel Lorraine, à Memphis. Devant la chambre 306. Celle-là même qu’en ce jour de 1977 Sonia a décidé de louer malgré le drame qui s’y est déroulé il y a neuf ans. De toute façon, le pendule a décidé et elle n’a plus rien à perdre; il y a si longtemps qu’elle a choisi l’errance.

Pour Lou et Georgia, laissées le plus souvent à elles-mêmes, c’est l’occasion de se lier non pas avec d’autres enfants, mais des adultes : Jacqueline, la femme de chambre du motel; Lonzie, son frère photographe qui a fait un séjour en prison; Grace, la directrice de la chorale; et quelques autres dont nous apprendrons le parcours de fil en aiguille, à mesure que se préciseront les choix de vie des deux sœurs.

Si l’aînée a choisi de se priver de nourriture afin de correspondre aux nouveaux critères de la beauté féminine qui n’ont guère changé depuis cette époque, ce qui devrait lui permettre de participer au Carnaval de coton annuel, la benjamine à la voix enchanteresse veut à tout prix se démarquer grâce à sa voix et se tailler une place de choix au sein de la chorale locale.

Dans cette ville où les mots de Martin Luther King traînent encore, presque quinze ans avant que le Motel Lorraine ne devienne le National Civil Rights Museum, se joue le destin de trois personnes qui ont dit ou diront, à l’instar du pasteur, I had a dream…
Un rêve. Sonia, Lou, Georgia en avaient un, propre à chacune.

Brigitte Pilote, qui n’a jamais mis les pieds à Memphis, a choisi d’y camper son deuxième roman, un roman qui possède un rythme soutenu plutôt que la vitesse grand V déstabilisante du premier et qui nous propose un regard sur une époque, lequel démontre un sens de l’histoire aigu et avisé.

Avec Motel Lorraine, dont les héroïnes sont attachantes, l’auteure nous livre un roman psychologique qui tient la route, si on oublie le fait que les petites semblent très bien se débrouiller en anglais sans qu’on sache pourquoi. Après tout, ce détail est-il si important? Motel Lorraine mérite qu’on s’y arrête et peut laisser croire que le troisième roman de Brigitte Pilote sera encore meilleur.

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