Le temps premier 6
C’est ta joie que j’écris
C’est ta joie que j’écris sur les neiges blanches
Sur l’écorce dure des arbres, à tous les carrefours
Pour me souvenir du chemin
Pour me souvenir de l’unique vérité
C’est ta joie que j’écris sur ma table de travail
Sur les croix du pardon
Sur le manger sans nappe des pauvres
Sur les pierres vieillies d’une rue oubliée
C’est ta joie que j’écris partout dans ma mémoire
Sur la couleur brusquement désunie d’une rivière
Sur un vieux désir
Qu’on n’arrive jamais à bien comprendre
C’est ta joie que j’écris sur les triomphes du jour
Afin qu’il me prenne par la main
Comme un enfant qui apprend à marcher
À nommer le pain, l’eau, les plantes, le sommeil
Les mots faciles de tout le monde
Pour me conduire loin à l’intérieur de la vie
Pour unir les yeux dans l’amitié de demain
Gatien Lapointe, Le temps premier
*choix de la lectrice de Warren B. Davis