En vos mots 269
Mais que peut bien raconter cette scène imaginée par Florence Spitéri? Ce n’est pas à moi de vous donner des indices! En effet, cette toile est à vous, rien qu’à vous, et ce pendant sept jours, puisque les commentaires accumulés pendant cette période ne seront validés que dimanche prochain.
À vous de nous dire en vos mots ce que les personnages évoquent pour vous. À vous de nous inventer en quelques lignes ou plus longuement, comme vous l’avez si bien fait pour la toile de dimanche dernier, une histoire que nous nous ferons un plaisir de lire dans sept jours.
D’ici là, bonne semaine à tous!
Ils avaient chevauché tout le jour dans la lande. Mais elle ne se sentait pas fatiguée.
Elle avait la tête secouée de paysages, de vent. Le corps encore ému par le contact du cheval et par la courte sieste qu’ils s’étaient accordée sur l’heure de midi.
Le vin qu’ils s’étaient servi en rentrant allumait en elle le désir de rester en éveil.
Paresseusement, mais soucieux de se tenir au courant des informations qu’il devrait traiter le lendemain au travail, il s’était assis pour lire plus en détail les nouvelles parcourues le matin à la hâte.
Une main légère déboutonnant sa chemise lui signalait cependant avec juste assez d’insistance, que la journée d’escapade et de loisir n’était pas finie.
Comment by anémone — 3 juin 2012 @ 17:00
Qu’importe le journal? Le monde peut bien tonner, crier, gémir, se distendre et se tordre, Frida a trente ans, un amant, un corps heureux et un coeur comblé. Alors, parce qu’elle sait que le mystère est proche, la voilà qui lève son verre de vin et de liqueur des mûres – enivrant mélange- à la longévité de ses rêves, à la réalisation de ses poignants désirs…
Comment by Pivoine — 7 juin 2012 @ 11:31
Elle ne rêve que d’oublier tous les mots qui vont taire les siens. Ces mots qui glacent nos sangs, comme le bruit violent des cordes de potence, lorsque les vies s’éteignent en dansant dans le vide creux de nos certitudes.
Elle rêve d’oublier ces instants animaux assouvis sans tendresse, le temps de se soumettre à lui, comme un hiatus, entre les indifférences, lorsqu’elle n’existe plus. Ou si peu. Tellement peu.
Elle rêve de s’enfuir, seule, vers ces îles qu’on devine dans les cartes postales, où des oiseaux heureux chantent, chaque matin, leur rendez-vous avec le soleil et où les vagues bleues se couchent sur le sable fin, dans un éternel va-et-vient, si doux, si tendre, et si… semblable, chaque fois qu’elle ferme les yeux. Pour tuer sa solitude.
Comment by Armando Ribeiro — 9 juin 2012 @ 2:57
Chaque Lundi, à cinq heures
Comme chaque Lundi, il est venu à cinq heures.
Comme chaque Lundi, il a apporté des petits fours. Ses préférés, à lui, au chocolat.
Agathe n’aime pas le chocolat mais il ne le sait pas. Il ne lui a jamais demandé et elle n’a jamais rien dit.
Ils n’échangent pas beaucoup. Lui, pas du tout, sauf en partant, au moment où il dépose la petite enveloppe bleue sur le guéridon de l’entrée, pendant qu’elle l’aide à enfiler sa veste :
« – A la semaine prochaine, à cinq heures. Tu te tiens prête. »
Se tenir prête, ça veut dire mettre une bouteille de vin rosé au frais afin de le lui servir frappé comme il apprécie de le boire, dans de jolis verres à pied.
Mais avant ça, se tenir prête, c’est surtout l’attendre derrière la porte, avec pour seul vêtement, l’un de ces luxueux déshabillés de soie qu’il lui offre régulièrement… Et qui porte bien son nom puisque, dès son arrivée, il le lui ôte avant de l’entraîner dans la chambre pour lui faire l’amour, toujours dans l’urgence, sauvagement et en silence, ne quittant, lui, que sa veste et son chapeau.
Pour après, tout aussi hâtivement, se rajuster, remettre son chapeau et quitter la chambre.
Il l’abandonne sur le lit, alanguie et, comme à chaque fois, profondément troublée par l’intense brièveté de leur étreinte.
Un peu plus tard, elle le rejoint dans le salon. Il est confortablement installé dans un fauteuil, en train de lire son journal. Il a déjà déballé et entamé les petits fours au chocolat et c’est le moment où elle lui sert le rosé, si frais, qu’aussitôt versé, il emperle de buée la fine paroi des délicats verres à pied.
Tout le temps de sa lecture, il exige qu’elle reste près de lui, assise sur l’accoudoir du fauteuil ou derrière, appuyée contre le dossier, peu lui importe, pourvu qu’il puisse sentir le contact de la main d’Agathe sur son bras, sa poitrine ou celui de sa tête sur son épaule.
Au début, elle a essayé de lui parler mais il ne répondait jamais. Maintenant, elle se contente de se tenir près de lui, immobile. Sirotant son rosé, les yeux dans le vague, elle laisse vagabonder son esprit…
La sortie d’hier soir au restaurant avec deux amies après une journée passée à bronzer sur la plage en leur compagnie…
Le dernier livre qu’elle est en train de lire et dont elle savourera la fin, tout à l’heure, après son départ…
La boutique de lingerie où elle travaille depuis l’âge de seize ans… C’est là qu’ils ont fait connaissance, d’ailleurs, il y a trois ans déjà… Avec l’argent qu’il lui laisse chaque semaine et dont elle a économisé jusqu’au moindre centime, elle sera en mesure de racheter le magasin quand la vieille Madame Rosa, sa patronne, prendra sa retraite. Ce qui ne saurait tarder…
Le bruit de feuilles froissées du journal qui se replie la tire de sa rêverie.
Elle le raccompagne jusqu’à la porte. Avant que celle-ci ne se referme et juste après avoir prononcé sa petite phrase rituelle, il la gratifie d’un léger et presque tendre baiser sur les lèvres et d’une caresse appuyée dans le creux des reins qui font, à chaque fois, battre son cœur, follement et l’enchaînent à lui, irrémédiablement, au fil des semaines qui passent.
Il ne lui demande jamais ce qu’elle fait du reste de ses jours passés sans lui, en dehors des deux heures qu’il lui accorde, le Lundi.
Elle ne sait rien du reste de sa vie, en dehors de ces deux heures, le Lundi.
Et c’est très bien ainsi.
Comment by Mamido — 10 juin 2012 @ 3:35