Hélène Rioux, d’abord poète
C’est par la parution de Suite pour un visage, en 1970, que la nouvellière, romancière et traductrice Hélène Rioux entame une carrière d’écrivaine qui ne ressemble en rien à celle qu’elle avait en tête au moment de la publication, presque par hasard, de ses premiers poèmes,.
En effet, les textes réunis dans Suite pour un visage ont avant tout été écrits pour accompagner un spectacle de ballet-jazz monté par un groupe d’étudiants du Cégep du Vieux Montréal, annulé à cause de la fermeture de la salle où devait se tenir l’événement. Robert Leroux, qui allait devenir libraire (et qui l’est toujours), trouvant que ces textes méritaient d’être diffusés et lus puisqu’ils ne pouvaient être entendus, a investi le montant de sa bourse dans la création d’une maison d’édition qui a vécu le temps de ce titre, tiré à 500 exemplaires, tous vendus.
À cette époque, la toute jeune Hélène Rioux est convaincue d’une chose : elle sera poète. « C’est d’ailleurs tout ce que je savais à ce moment-là. Rien d’autre, me dit-elle, alors que nous étions attablées devant une assiette de pâtes. Le reste allait venir plus tard. Graduellement. Les nouvelles. La traduction. Le roman. » Comme on tisse sa toile sans savoir la taille qu’elle aura ni connaître l’angle qu’elle prendra. Et poète, elle l’est toujours, même si elle ne publie plus ses textes poétiques, privilégiant la fiction.
Troisième au Concours de nouvelles de Radio-Canada en 1986, elle n’a pas cessé depuis de recevoir prix littéraires et mentions, tant pour ses romans que ses traductions.
Vient de paraître Nuits blanches et jours de gloire, le troisième tome de cette tétralogie entamée par Hélène Rioux en 2007 qui a pour point de départ le Bout du monde, un restaurant de quartier où se retrouvent habitués et chauffeurs de taxi, à partir duquel gravitent une pléiade de personnages de partout au monde. L’action se déroule lors du solstice d’été, chacun des « Fragments du monde » qui chapeautent cette série se déroulant au changement de saison, choix naturel pour celle qui a d’abord été poète et pour qui solstice et équinoxe créent par leur simple évocation un sentiment de poésie.
La poésie n’est pas qu’un genre littéraire, ni que des poèmes et de la prose poétique. « La poésie est un état, une façon de penser et d’écrire, un regard sur les petites choses du quotidien qu’elle débanalise. La poésie est partout », continue-t-elle. Dans chacun des livres d’Hélène Rioux. Dans cette magnifique série qui est un peu le prolongement de son premier titre paru, puisqu’elle constitue une sorte de « suite pour des visages », et non pas un seul, rappelant en ceci le titre de son premier livre. « Des visages dont je me suis éprise et qu’il m’est difficile de faire disparaître. Des personnages auxquels je me suis attachée, que j’aime, que j’écoute. Ce sont eux qui me dictent la suite. »
Hélène Rioux pensait qu’elle serait toute sa vie poète. Elle n’avait pas tort. La poésie est en elle et porte son écriture.