Ce geste
Il y a longtemps, plus d’un quart de siècle, ils avaient vécu ce lien fusionnel dont on parle dans les livres sans préciser qu’il est rare que celui-ci puisse être maintenu et vivaient désormais en parallèle, d’un accord tacite. Ils ne fréquentaient pas les mêmes gens sauf les rares amis de leur jeunesse épargnés par le divorce ou les déménagements à l’autre bout du pays. Et encore, rarement.
Probablement se contentaient-ils de cette vie. Ou du moins ne la remettaient-ils pas en question. Après tout, ils ne se détestaient pas. Ils ne se marchaient pas sur les pieds. Les enfants les soudaient. D’une certaine manière.
Elle n’avait pas de vraie raison de partir, au fond. Et s’il lui arrivait parfois de rêver d’une autre vie, il suffisait d’un regard insistant, d’une étreinte amicale qui se prolongeait, d’un éclat de rire dont il était exclu pour qu’il lui rappelle en l’enlaçant devant celui qu’il jugeait importun que c’était lui le propriétaire.
C’est pour ce geste qu’elle ne peut plus rester. Mais il ne le sait pas encore.
*illustration d’Art Spiegelman
beau texte, chute terrible…
Comment by Elisanne — 5 janvier 2012 @ 10:55