En vos mots 232
S’est-elle endormie ou va-t-elle se réveiller éblouie par les vers qu’il déclame? À vous d’imaginer pour nous la scène qui se joue devant nous, peinte par le prolifique John Singer Sargent à qui on doit notamment plusieurs toiles représentant des lecteurs et des lectrices. À vous de nous révéler en vos mots ce que cette scène dissimule. En quelques lignes ou plus longuement. En vers ou pas. Car il n’y a pas de règles au pays de Lali.
Suite dans sept jours exactement alors que tous les commentaires reçus d’ici là seront validés en bloc.
D’ici là, bonne semaine à tous!
Désormais je n’écrirai plus mes vers qu’à l’encre éparse de mes bonheurs inconnus.
Je dirai mes rêves et mes nuits blanches parsemées d’étoiles tristes et solitaires. Comme ces heures où mon enfance n’avait d’autres rêves que celui d’être adulte. Pour fuir. Comme fuit en tremblant l’oiseau blanc lorsqu’il voit s’approcher le chasseur.
Je m’inventerai des mensonges que je vous offrirai étalés sur des plateaux dorés. Que vous goûterez avec l’appétit de ceux qui n’ont retenu que des Noëls dorés en écoutant crépiter le feu et qui s’ennuient, comme les prêtres le dimanche, d’entendre prier les malheureux. Et je vous dirai ces terres que je n’ai jamais vues. Et je vous parlerai de ces fées de chagrin qui se cachent derrière des rideaux sales, pour commérer par manque d’autre tendresse que celle d’être écoutées.
Désormais je n’écrirai que pour ceux qui n’ont jamais appris à lire. Et je leur lirai mes mots à voix tendre lorsqu’ils s’endormiront. Et qu’ils rêveront d’enfants qui ne grandiront jamais et jouent au milieu des fleurs sauvages sans nom pour adoucir leur sommeil.
Comment by Armando — 22 septembre 2011 @ 19:17
« La dormeuse
Figure de femme, sur son sommeil
fermée, on dirait qu’elle goûte
quelque bruit à nul autre pareil
qui la remplit toute.
De son corps sonore qui dort
elle tire la jouissance
d’être un murmure encor
sous le regard du silence. »
Rainer Maria Rilke
Comment by Denise — 24 septembre 2011 @ 13:57
En attendant le train …
Surtout ne pas bouger. Profiter encore de ce temps, tout engourdi et si doux. Et me laisser porter par le chant de la pluie sur la verrière. Les notes redoublent enhardies par le Marin qui souffle depuis deux jours. Surtout, ne pas bouger, pour serrer l’instant plus fort, pour le laisser fondre sur mon cœur, lentement … De la pointe du pied je pourrais effleurer sa main suspendue aux pages du recueil, mais je crains de briser cette merveilleuse parenthèse. Alors je m’applique à rester immobile. Sait-il que je ne dors pas ? Sent-il cette vibration qui grandit tout bas ? Oui. Bien sûr. Sinon aurait-il continué à lire, aurait-il continué à m’offrir sa voix, grave et cuivrée … Les vers n’ont plus de consistance, les mots coulent et glissent, se disloquent, seule compte la musique qu’ils créent en se heurtant à notre bulle autour du canapé ! Sait-il comme je le désire ? Comme je brûle de le goûter ? On peut aimer , aimer à tout rompre sans se toucher … S’il est un dieu du temps qu’il fasse que les aiguilles ralentissent jusqu’à stopper, qu’il fasse que l’instant ainsi cristallisé marque ma peau aussi profondément que le trident ferrade en Camargue. Qu’il fasse qu’à jamais me reste comme trésor les beautés de l’instant, les désirs et les frémissements …
Comment by Chris — 24 septembre 2011 @ 17:53
A la tombée du jour, tous les vendredis soir, Albert et Lucie ont rendez-vous. Rendez-vous avec “Les Dames du Lac”.
Aujourd’hui, c’est le jour d’Albert de reprendre la lecture interrompue précédemment. Lucie, prends possession de la banquette et s’allonge près de lui. Vingt pages pas plus… Albert, doucement, ouvre le livre page 231. Et la magie opère.
“Loin vers le nord, où Lot était roi, la lande bleue avait disparu depuis des mois sous un épais tapis blanc noyé dans un brouillard opaque. Les rares jours où le soleil perçait les nuages, les hommes sortaient pour chasser, mais les femmes, elles, restaient à l’abri des hautes murailles du château.
Morgause, qui maniait négligemment son fuseau, car elle détestait toujours autant filer, sentit tout à coup un courant d’air glacial s’engouffrer dans la salle et leva les yeux.”
Lucie plongea, alors, dans un rêve lumineux, parcourant la lande de bruyère, murmurant les noms de Viviane, Ygerne, Arthur, Guenièvre, Morgane, Excalibur, Lancelot, et Merlin l’enchanteur.
Comment by LOU — 25 septembre 2011 @ 5:34
Je viens tout doucement vous dire mon plaisir de retrouver ce si beau rendez vous dominical. Je ne sais si je pourrai venir vers vous chaque semaine, mais je n’ai rien perdu du bonheur d’écrire ici au pays de Lali et je m’impatiente toujours de vous lire 😉
Mes amitiés
Comment by Chris — 25 septembre 2011 @ 8:11
LES DÉSHÉRITÉS
Donnez-moi vos pauvres, vos exténués
Qui en rangs serrés aspirent à vivre libres,
Le rebut de vos rivages surpeuplés
Envoyez-les moi, les déshérités, que la tempête m’apporte,
De ma lumière, j’éclaire la porte d’or ! (Emma Lazarus, The New Colussus)
Moïse prit le livre précieux fourré dans son manteau. Esther, extenuée par encore une journée infructueuse, s’allongea sur le canapé dans la salle d’attente. Moïse avait voulu qu’elle mette sa tête sur ses genoux, mais Esther, déjà choquée de devoir dormir dans un lieu public, refusa. Moïse avait fini par lui promettre de ne pas s’endormir, afin qu’elle dorme, elle, en paix.
Et si le gardien passait pour demander leurs billets inexistants ? avait-elle murmuré pendant qu’ils s’installaient.
– Ne t’en fais pas, ma belle, prononça Moïse, absolu. Personne ne nous chassera. Ici, nous sommes en Amérique.
Mais elle, déjà épuisée, ne l’entendit plus.
Comment by joye — 25 septembre 2011 @ 9:26