En vos mots 167
Le lecteur peint par Marie Vlasic s’est assis au pays de Lali. Il n’en bougera pas. Impassible, il attendra que vous le racontiez, que vous déposiez quelques mots inspirés par ce qu’il dégage.
Car tel est le but d’En vos mots : vous offrir chaque dimanche une toile afin que vous l’animiez, en vers ou en prose. Vous avez sept jours devant vous pour le faire, puisque c’est à ce moment que tous les commentaires reçus seront validés, et pas avant.
Puisse le personnage du jour vous donner envie d’écrire!
Que j’aime ce regard ! Il dégage à la fois de la force et de l’intelligence. J’y vois aussi une forme de lucidité. Lucidité qui explique sans doute ce sourire naissant mais qui reste non formé. C’est un fumeur et le paquet est vide…
Mais pour qui sont ces fleurs ?
Comment by Margotte — 20 juin 2010 @ 16:04
La dame aux fleurs était passée de table en table pour proposer ses roses mélangées à des vœux de bonheur déjà usés. Perdu dans mes pensées je lui ai acheté deux roses et elle m’a offert la troisième, qu’elle a déposée sur la table, en esquissant son sourire affamé et inquiet.
Il y a des après-midi comme cela. Un je-ne-sais-quoi vous prend à la gorge et on se retrouve à relire les cahiers de notre existence et on se rend compte qu’ici et là, on aurait pu écrire autrement, avec des mots plus fleuris, enjolivés de tendresse, avec l’encre paisible du Tage. On aurait pu.
Je n’avais gardé de notre dernière rencontre qu’un immense gâchis. Nous avions déambulé par les rues de ma ville comme des automates sans âme, s’éloignant à chaque minute, parce que, quelquefois l’orgueil est comme un vent d’automne qui balaye d’un souffle, d’un seul, tout ce qu’il trouve sur son passage, ne laissant que le vide et quelques blessures à la place.
Je savais que désormais quelque chose de nous serait mort. Je savais que désormais nos silences allaient devenir dérangeants et nous feraient baisser les yeux. Je savais désormais que mes souvenirs d’eux allaient être accablés de solitude et soudain les vers de Fernando Echeverria m’ont traversé l’esprit :
La solitude est cette mort immense
Où les morts n’ont pas arrêté de vivre.
Et où les vivants cueillent la tristesse
D’aller en mourant sans savoir à quoi,
Malgré tout leur souci. Bien qu’y advienne
L’éminente naissance à ce qu’on est déjà.
Comment by Armando — 23 juin 2010 @ 11:48
Après plus d’une heure d’attente, Daniel se pose des questions. Viendra t-elle ou non? J’ai bu déjà deux cafés, lu trois quotidiens et j’ai l’air malin avec ma fleur fanée!
De retour d’un séjour de six mois pour le travail en Afrique, Daniel est descendu dans un hôtel à Paris. Il a rendez-vous avec Hélène, son amie. Il lui a téléphoné la veille pour se retrouver au bar de l’hôtel. Il entend encore son rire, elle était joyeuse et lui a dit à demain à 15 heures sonnantes.
Et c’est là qu’il l’attend avec une belle fleur mais les minutes passant, sa belle fleur devient terne comme ses pensées. Il est triste et perplexe. Mais que fait-elle? Pourquoi ne vient-elle pas? Je viens de lui téléphoner et elle ne répond pas. Le regard dans le vague, Daniel se pose mille questions. J’aurais dû lui dire que je passais chez elle! J’espère qu’elle n’est pas malade? Mais non, voyons!
Toutes ces pensées se bousculaient. Daniel lui avait préparé une jolie surprise en l’emmenant aux Jardins des Roses et il lui aurait remis un poème, celui de Rainer Maria Rilke car Hélène aime les roses…
Eté: être pour quelques jours
Été : être pour quelques jours
le contemporain des roses ;
respirer ce qui flotte autour
de leurs âmes écloses.
Faire de chacune qui se meurt
une confidente,
et survivre à cette soeur
en d’autres roses absente.
Comment by Denise — 26 juin 2010 @ 11:37
La rose rouge
Je ne comprends pas.
Il lui offre une rose, elle la reçoit avec ce sourire délicieux qui remplace tous les mots de remerciements qui soient…
Ils déjeunent ensemble; la rose est déposée sur une banquette, à côté.
je les entends rire pendant que mon regard ne cesse de revenir sur son visage.
Est-ce son sourire? La douceur qui en émane? Je ne sais toujours pas… Mais cela m’aimante, puissamment, au point que, lorsqu’ils quittent leur table, je ressens une brûlure, dans la poitrine, tandis que mes yeux fixent, fascinés, la rose oubliée…
Longtemps je suis resté, ma tasse de café vide, à détailler la table défaite et la fleur, abandonnée.
Lorsque je me suis levé à mon tour, je n’ai pas su retenir ma main. Et je suis reparti avec la rose. Une rose rouge, banale – mais qui ne l’était plus pour moi.
Maintenant – cela va faire une semaine – tout me relie au souvenir de cette femme. La scène du restaurant se rejoue, inlassablement, dans ma tête. Je revois la rose, le sourire. Mais un détail s’ajoute, à chaque fois. Ce sourire avait été donné à la fleur, pas à l’homme. Et comment comprendre ce geste de l’abandonner sur le côté? – comme on se débarrasserait de quelque chose qui nous encombrerait…
C’est l’homme, je me le rappelle maintenant, qui parlait le plus. Les rires étaient les siens. Sonores – et grossiers. Elle, je la revois, avec ses yeux en amande, égarée dans la douceur de ses sourires… Car en même temps, elle semblait si loin… perdue… avec ce voile de gêne – de peine?- qui assombrissait par instant son visage.
Lorsqu’ils sont repartis, j’ai également deviné comme une hâte chez elle. Etait-elle pressée de quitter cet endroit, cet homme? Pressée de partir et d’oublier la fleur…
Comment peut-on oublier une rose?
Quant à son regard, lorsqu’il a rencontré le mien… Je m’y suis perdu, je crois…
C’était celui d’une femme radieuse et en même temps… J’y ai vu celui d’un tendre animal pris au piège…
Je n’arrive plus à me concentrer.
Je lis une ligne de mon journal et je songe à elle.
Toujours à elle. À chaque instant.
La rose est fanée maintenant.
Mais je ne peux pas me résoudre à la jeter. Il me semble qu’elle recèle un mystère que je me dois d’effeuiller, en douceur, jour après jour…
Mon paquet de cigarettes est vide.
Ma tasse de café est vide.
Ma tête est vide aussi, à force de revivre la scène pour en extraire les bribes d’une histoire que je donnerais tout aujourd’hui pour connaître…
Tous les jours, je retourne dans ce café-restaurant.
Tous les jours, j’attends.
Et j’espère.
J’aimerais tant la revoir…
Comment by macile — 26 juin 2010 @ 17:15