La lectrice de manuscrits
Combien de pages imprimées ai-je pu lire toutes ces années à titre d’adjointe au directeur d’une revue littéraire ou de membre d’un jury d’un concours de nouvelles ? Combien de manuscrits ou de thèses d’amis ou de connaissances sont passés entre mes mains, certains depuis publiés ? Il y a si longtemps que je parcours les textes de tout le monde avec plaisir qu’il y en a toujours un en lecture. Et pourtant, je peux être enquiquineuse. Trouver la question embêtante. Semer le doute. Mais aussi repérer les forces, donner des pistes.
Et si j’ai souvent eu des montagnes de feuilles devant moi, à l’instar de la lectrice de Jan Smits, c’est toujours avec plaisir et stylo en main que je les ai dévorées. Heureuse de la confiance accordée par celui ou celle qui me donnait à lire tantôt une lettre, tantôt un roman ou même juste quelques phrases esquissées timidement.
Et je ne crois pas qu’un jour je pourrai refuser de lire ce qu’on voudra bien me faire lire. Ou alors je serai devenue désabusée et indifférente. Plutôt être dix pieds sous terre.
J’aime trop les mots et le partage pour ne pas accueillir soirs de lecture les pages d’Andrée qui me prépare la suite, ou celles de Jean qui viendront à leur tour. Et je serai, comme cette lectrice, totalement obnubilée par leurs histoires, leurs mots, leurs tripes. Parce que, s’il est beaucoup de choses que je puisse prendre à la légère, ce n’est pas le cas de mon « rôle » de lectrice de manuscrits en dilettante.