Lali

19 octobre 2006

La lectrice de manuscrits

Filed under: Couleurs et textures — Lali @ 21:35

jans

Combien de pages imprimées ai-je pu lire toutes ces années à titre d’adjointe au directeur d’une revue littéraire ou de membre d’un jury d’un concours de nouvelles ? Combien de manuscrits ou de thèses d’amis ou de connaissances sont passés entre mes mains, certains depuis publiés ? Il y a si longtemps que je parcours les textes de tout le monde avec plaisir qu’il y en a toujours un en lecture. Et pourtant, je peux être enquiquineuse. Trouver la question embêtante. Semer le doute. Mais aussi repérer les forces, donner des pistes.

Et si j’ai souvent eu des montagnes de feuilles devant moi, à l’instar de la lectrice de Jan Smits, c’est toujours avec plaisir et stylo en main que je les ai dévorées. Heureuse de la confiance accordée par celui ou celle qui me donnait à lire tantôt une lettre, tantôt un roman ou même juste quelques phrases esquissées timidement.

Et je ne crois pas qu’un jour je pourrai refuser de lire ce qu’on voudra bien me faire lire. Ou alors je serai devenue désabusée et indifférente. Plutôt être dix pieds sous terre.

J’aime trop les mots et le partage pour ne pas accueillir soirs de lecture les pages d’Andrée qui me prépare la suite, ou celles de Jean qui viendront à leur tour. Et je serai, comme cette lectrice, totalement obnubilée par leurs histoires, leurs mots, leurs tripes. Parce que, s’il est beaucoup de choses que je puisse prendre à la légère, ce n’est pas le cas de mon « rôle » de lectrice de manuscrits en dilettante.

Le métro de Londres, histoire de famille

Filed under: Ailleurs — Lali @ 7:44

underground

Le métro de Londres, je l’ai connu, bien avant d’y descendre. Il fait partie de l’anthologie des histoires familiales. Mon grand-père qui n’a jamais eu le sens de l’orientation et à qui on confiait la gamine de trois ans pour le ramener à la maison parce que pour les directions, j’ai toujours été imbattable, avait eu maille à partir avec l’Underground. Et combien de fois a-t-il raconté cette histoire de la ligne qui fait une boucle et qui ne va que dans un sens ? Combien de fois a-t-il raconté qu’il lui a fallu trois fois faire le tour pour arriver à descendre à la bonne destination ? Combien de fois n’a-t-il pas fait rire sa petite-fille quand il racontait cette histoire et bien d’autres ?

C’est donc aguerrie et forte de son expérience que j’ai pris le métro, le plus ancien de tous, puisqu’il a été inauguré en 1863, cinquante ans avant que mon grand-père, sergent parti à la guerre, ne s’y emmêle les pinceaux. Et c’est à lui que je pensais ce jour de 1988 alors que je découvrais, ébahie, des escaliers roulants en bois. Et c’est à lui que je pensais en empruntant la fameuse « Circle line » sans rater mon arrêt.

Il y a tant d’images dans ma tête quand je pense à Londres. Mais toujours celle, plus forte que toutes les autres, de ce grand-père parti au front, loin de son aimée. Et qui n’a jamais vu de la ville ce que j’ai vu. Qui n’a pas vu Westminster ni la tour de Londres où Marie Stuart a été emprisonnée et décapitée. Qui n’a pas mangé indien mais peut-être de la viande bouillie mal apprêtée. Qui n’a pas vu le Londres hétéroclite et multiculturel que j’ai croisé. Qui n’est entré ni à la British Library ni n’a vu les tableaux du British Museum. Quoique… Il a vu tout ça, car où que j’aille, c’est toujours lui que je traîne dans ma poche et qui partage mes joies. Car s’il est quelqu’un qui m’a donné le goût des livres et ainsi ouvert sur le monde, c’est bien lui. Parce que pour les voyages, ce n’était pas ça. Plutôt du genre à traîner son monde devant un paysage, faire descendre deux minutes ses passagers et repartir tout de go, parce que « ça y est vous l’avez vu, on peut rentrer ». Mes parents m’ont appris le reste. Comment s’attarder à destination, comment profiter du dépaysement, comment savourer les minutes, comment m’extasier. Mais bon, comment s’extasier quand on ne trouve pas la sortie ?